Les hausses de taux d’intérêts causent elles des krachs boursiers? Les leçons du passé

Publié le par plus-riche.com

Nous vivons actuellement dans un monde où il n’est pas facile de placer son argent avec des rendements décents. Les taux d’intérêts évoluent à des niveaux historiquement bas et les placements bancaires traditionnels ne rapportent quasiment plus rien. Ces taux très bas ont augmenté l’appétit des investisseurs pour les actifs dits « risqués » comme les actions (ou l’immobilier), ce qui a poussé leur prix très fortement au cours de ces dernières années.

 

Nous nous retrouvons donc dans une situation difficile pour les investisseurs : non seulement les placements bancaires traditionnels ne rapportent plus rien, mais même les alternatives « risquées » ne semblent plus nécessairement très attractives du fait des niveaux élevés sur lesquels elles évoluent.

 

D’aucuns disent que les taux d’intérêts maintenus très bas par les banques centrales ont contribué à gonfler la valeur des actions artificiellement, et que dès que les taux commenceront à remonter… nous connaitrons un krach boursier majeur.

 

Hors les taux ont justement commencé à remonter aux Etats-Unis….

 

Alors qu’en est-il, doit-on s’attendre à une catastrophe boursière majeure dans les prochains mois? Pour le savoir, tournons-nous vers l’histoire.

 

Les hausses de taux causent-elles des krachs boursiers?

 

Voici un tableau récapitulant ce qui s’est passé sur les actions durant plusieurs périodes de hausse des taux (source : Bloomberg) :

 

Taux d'intérêt à 10 ans US et variation de l'indice boursier S&P500

Taux d'intérêt à 10 ans US et variation de l'indice boursier S&P500

Comme vous pouvez le voir, le lien entre hausse des taux et krach boursier est loin d’être aussi évident que certains ne semblent le prétendre.

 

Durant 14 périodes de hausse des taux d’intérêts (sur les 17 étudiées), les actions sont montées, et en plusieurs occurrences, dans des proportions très importantes. Sur ces 17 périodes seules 3 ont été perdantes et la perte maximum a été de… -2%! La performance moyenne des actions durant les périodes de hausse des taux d’intérêts a donc été (historiquement) autour des 22%.

 

L’idée que les hausses de taux d’intérêts causent des chutes boursières majeures est donc à priori une idée reçue, et le fait que la banque centrale américaine ait commencé à relever ses taux directeurs ne signifie en aucun cas que les actions vont nécessairement chuter.

 

Mais si les mouvements de taux ne sont pas spécialement facteurs de krachs, que faut-il surveiller, et quels sont les facteurs qui ont historiquement conduit à des chutes boursières majeures?

 

Historiquement, qu’est ce qui a causé des chutes majeures sur les marchés actions?

 

C’est une question délicate car par définition si les krachs boursiers étaient faciles à prévoir, nous serions tous riches (ou du moins la minorité d’entre nous qui arriverait à les anticiper correctement le serait). Il suffirait de vendre au plus haut et de racheter au plus bas n’est-ce pas?

 

Seulement l’histoire à prouvé que cet exercice est, dans les faits, l’un des plus difficiles qui soit. Le célèbre investisseur Peter Lynch répétait souvent qu’en bourse « plus d’argent est perdu en essayant de prévoir les krachs boursiers que durant les krachs boursiers eux mêmes ».

 

Cependant si il est très difficile (voire impossible) de prévoir avec exactitude quand se produira le prochain marché baissier et de quelle ampleur il sera, nous savons cependant quels principaux facteurs peuvent augmenter les chances d’occurrence de ces événements (ou les déclencher).

 

Facteur numéro 1 : Les excès (spéculation et valorisation)

 

Généralement, les chutes boursières importantes ont tendance à venir « corriger » des périodes d’excès boursiers majeurs. Il est rare qu’une chute durable et prolongée des prix ne survienne « de nulle part ». Le krach boursier de 1929 était venu corriger les excès spéculatifs des années 1920, le krach des années 2000 était venu corriger les excès liés à la bulle internet, et le krach de 2008 est venu corriger les dérives spéculatives liées aux subprimes et à la surchauffe du marché immobilier américain.

 

Un des premiers facteurs susceptible de causer un krach boursier est donc un emballement spéculatif majeur (nous avons pu voir cela en accéléré au cours de ces derniers mois sur les cryptodevises par exemple, avec une accélération majeure en fin d’année dernière, suivie par un une chute massive et soudaine où certaines d’entre elles ont perdu près de 80% de leur valeur).

 

Les excès spéculatifs sur les actions se caractérisent généralement par des valorisations excessives et des rallyes haussiers exubérants. Et si actuellement la valorisation des actions reste assez haute, elle est loin d’être « hors normes » dans un contexte de taux d’intérêts bas (nous sommes loin du cas de figure de l’emballement des années 2000 par exemple).

 

Voici un graphique retraçant l’évolution du ratio price/earnings (un moyen simple d’évaluer si l’indice est cher ou peu cher suivant le prix de l'action par rapport aux bénéfices) depuis plus d’un siècle selon le site Multpl.com.

PER du S&P500 de 1870 à nos jours

PER du S&P500 de 1870 à nos jours

Comme vous pouvez le voir, le marché n’évolue pas sur des niveaux spécialement bas actuellement, mais il n’évolue pas non plus sur des niveaux aussi alarmants que certains médias ne le laissent entendre (comme ceux des années 2000 par exemple).

 

Nous sommes actuellement plutôt « entre deux eaux » que dans une zone de surchauffe majeure, néanmoins il est bon de garder un oeil sur cet indicateur, comme en témoignent les pics majeurs de 2000 et 2008.

 

Facteur numéro 2 : l’inflation

 

Tout le monde semble avoir un oeil sur les taux d’intérêts actuellement, mais historiquement un autre facteur a fait bien plus de mal aux actions qu’une hausse des taux. Ce facteur, c’est l’inflation.

 

Entre 1928 et aujourd’hui, les années où l’inflation a évolué sur des nivaux inférieurs à 3%, les actions ont rapporté en moyenne 16% par an. Durant les années où l’inflation a évolué au dessus de 3%, les rendements des actions n’ont été en revanche que de 6.5% par an.

 

Le phénomène est encore plus frappant sur ce graphique (tiré du site « betweenthebalancesheets.wordpress.com »), qui retrace la performance historique de 100 dollars investis dans les actions durant les périodes où l’inflation accélère, et durant les périodes où celle-ci ralentit (l’inflation est mesurée ici grâce aux mouvements de l’indice « CPI » - Consumer Price Index) :

Performance des actions US en phase de baisse ou de hausse de l'inflation des prix à la consommation

Performance des actions US en phase de baisse ou de hausse de l'inflation des prix à la consommation

Comme vous pouvez le voir, il est plutôt clair que les périodes où l’inflation accélère (en bleu) sont historiquement mauvaises pour les actions (ce qui s’explique d’ailleurs tout à fait économiquement, puisque ce sont des périodes où les sociétés ont tout simplement du mal à croître aussi vite que les niveaux d’inflation, ce qui dégrade les niveaux de rendements réels des investisseurs).

 

A l’inverse, la désinflation, c'est à dire une inflation en décélération (ou évoluant sur des niveaux faibles et stables, comme ce fut le cas au cours de la plupart de ces dernières années) a été un facteur historiquement positif pour les rendements des actions (comme en témoigne la courbe rouge sur ce graphique).

 

La hausse de l’inflation est donc un facteur qui a eu historiquement un impact (négatif) bien plus important sur le cours des actions que la hausse des taux d’intérêts.

 

Conclusion

 

J’espère que ce bref article aura pu vous éclairer sur la relation qui existe entre les actions et les taux, ainsi que sur les deux principaux facteurs véritablement susceptibles de dégrader les rendements des indices boursiers : les valorisations élevées et les pics d’inflation.

 

Les investisseurs avisés auront donc tout intérêt à suivre l’évolution du CPI, ainsi que celle du PER de leur indice boursier favori plutôt que celle des taux d’intérêts si ils souhaitent prendre des décisions d’investissement éclairées.

Publié dans ACTUALITES BOURSE

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