Zone Euro : entre éclatement et attraction

Publié le par Gilles Caye

Copyright © Apprendrelabourse.org - Dans pratiquement toutes les zones économiques importantes, les états sont venus assister leur système bancaire national pour préserver la stabilité financière et tenter de maintenir la marche de l'économie. La crise financière s'est un peu déroulée comme une course où les difficultés se sont propagées à la manière d'un passage de relais en athlétisme, et ce dernier est désormais dans le dernier maillon, c'est à dire dans la main des états.

Pour la zone euro ceci a 2 conséquences principales :

Euro € : attrait en tant que facteur de stabilité pour les pays limitrophes

La mise en place de l'euro a permis d'amortir le choc, aspect positif que les pays à la périphérie sont plus à même de comprendre car ils ont été plus secoués voire laminés du fait de leur non-appartenance à la monnaie unique :

. La Slovénie qui a rejoint début 2007  la zone est une des moins pénalisée.  La Slovaquie dont le calendrier prévoit l'intégration au 1er janvier 2009 fait figure également de pays relativement préservé jusqu'ici.
. La Pologne a indiqué fin octobre qu'elle souhaitait activer les choses pour entrer en 2012.
. cas dramatique : l'Islande qui avait refusé farouchement l'euro est prêt désormais à le faire. La Hongrie qui s'est vue accorder des prêts du FMI, de la Banque Mondiale  et de l'Union Européenne admet d'autant mieux les réformes drastiques auxquelles elle a été contrainte pour les obtenir que celles-ci accéléreront une potentielle intégration (son point noir : déficits budgétaires chroniques trop élevés depuis trop longtemps). 

. Les pays baltes, la Roumanie sont très exposés ainsi que la Bulgarie.
Un article très court et en français vous donne l'atmosphère actuelle et l'essentiel des données du problème qu'on retrouve un peu partout à des degrés divers dans ces pays. Il y est question de comparaisons avec l'Islande et d'autres plus dures encore -> 
la Bulgarie doit introduire l'euro / Extrait : "Il est arrivé la même chose à l'Argentine : si le dollar avait été introduit en l'an 2000, il n'aurait probablement pas été rattrapé par les catastrophes qui ont suivi."

On pourrait ainsi faire un tour d'horizon complet de l'Europe qui montrerait à des degrés divers l'intérêt des pays environnants pour la monnaie unique et ne disposant que de "petites monnaies nationales", cercle dans lequel on trouve aussi après les attaques sur leur devise des économies matures, voire 'avancées', comme le Danemark (un référendum est en discussion). La Suède réfléchit. Le Président de la Commission Européenne s'est même fait l'écho d'un regain d'intérêt des anglais même si ce n'est pas pour demain : "
Le R-U proche de l'Euro"

A l'intérieur de la zone, le constat est par contre nettement plus mitigé avec un  :

→ Eclatement des différentiels de taux entre les états membres

Les pays membres sont unis par une monnaie et une même banque centrale mais conservent des gouvernements économiques nationaux. Ceux-ci empruntent sur les marchés via l'émission d'obligations à des conditions qui leur sont propres.

Les états les mieux notés et donc représentatifs des risques vus comme étant les plus faibles empruntent aux meilleurs taux, ceci dans une fourchette qui n'a que très peu variée depuis l'introduction de la monnaie européenne ... jusqu'à l'arrivée de cette crise.

Le spread = taux d'intérêt de l'obligation d'un pays A - le taux d'intérêt de celle d'un pays B pour une échéance identique.
A conditions économiques identiques (croissance et inflation essentiellement, commerce extérieur etc..), le différentiel permet d'approcher la qualité de la signature de l'état en terme de solvabilité qui se fonde de manière classique sur l'endettement et la politique budgétaire pour l'essentiel.

Pour réaliser les calculs  entre pays européens, il suffit de se reporter au tableau mensuel de la BCE qui reprend les pays européens membres et hors zone (Ainsi le spread entre la France et l'Allemagne est passé de 0,12 % à 0,30 % d'octobre 2007 à octobre 2008. La France doit rémunérer ses créanciers via des intérêts supérieurs de 0,30 % par rapport à l'Allemagne pour chaque € levé)

Pour suivre l'évolution de ces données de manière beaucoup plus simple, nous allons au fil des prochains mois utiliser l'outil que vous pouvez retrouver sur le site de  l'AFT, l'Agence France Trésor qui gère la dette de l'état français, et qui calcule un écart pour 5 pays à partir de l'ensemble des pays de la zone euro :


Indicateur de spreads ou "Spreadomètre" 
des obligations d'état de la zone euro
 
(au 5.12.2008)



Pour le suivi au fil du temps  : l'évolution mois après mois
Pour aller plus loin : indicateur de présentation des spreads

La crise financière a fait voler en éclat les taux des différents pays compte tenu des différentiels de croissance, d'inflation, d'endettement des états et de l'ampleur des déficits des gouvernements qui émettent ces obligations.

A ce rythme, la tendance est intenable à terme. Cette évolution n'indique pas que la situation allemande est meilleure d'un point de vue "conjoncturel" par rapport à la Grèce, les 2 sont impactées par la crise assurément même s'il y a des différences. Le différentiel montre que les opérateurs courent vers le moins risqué et demandent une rémunération beaucoup plus forte pour les 'crans' de risques supérieurs. C'est la course à la sécurité sur des bases 'structurelles'.

En revenant au premier point, si la Grèce n'était pas entrée dans l'euro en 2001, tout porte à croire que ce pays devrait servir un taux nettement plus haut que l'actuel libellé en euro. Pour revenir également aux réactions du 1er point, on observe moins de velléités italiennes à sortir de l'euro à l'heure actuelle. C'est techniquement possible, les banques centrales nationales existent toujours en tant que membres de l'Eurosystème et pourraient se réactiver, mais la sortie comporterait un coût et un risque, celui de voir des capitaux sortir du pays et la nécessité de remonter les taux pour pouvoir compenser le manque d'attractivité qui en résulterait comme constaté ces derniers mois pour différents pays (ex le Forint, monnaie hongroise) Ceci serait mauvais pour la croissance interne et un frein à l'inflation dans le cas où un pays souhaiterait sortir pour reprendre en main sa politique monétaire avec l'idée de laisser filer l'inflation pour amoindrir le poids des dettes dans le temps.

A retenir :

→ Le risque sur un état ne s'exprime pas seulement en terme d'endettement, de déficits, de patrimoine net ou de ratios financiers mais également en terme de devise dans laquelle est libellée la dette qu'il émet.
L'attrait de l'euro ou le coût pour en sortir est en fait fonction non seulement de la taille et de la qualité de son marché obligataire  mais de sa qualité en tant que réserve de change importante en plus d'être une monnaie de facturation pour les transactions commerciales. Le prix (= le taux) d'une dette libéllée en € bénéficie en fait de son statut de 2nd monnaie de réserve au monde :


Part des devises au sein des réserves de change des banques centrales Source : FMI / Base de Données COFER
En % Dollar US Euro Yen Livre sterling Franc suisse autres monnaies
1er trimestre 1999 71,1 18,1 6 2,7 0,3 1,7
1er trimestre 2007 65,1 25.3 2.9 4.4 0.1 2
2ème trimestre 2008 62,5 27 3.4 4.7 0.15 2.2


Conclusion :

- Se réfugier dans les obligations d'états européens n'a plus tout à fait la même signification d'ensemble désormais. Faire un petit point sur le contenu de ses Sicav, FCP ou fonds obligataires au sein des fonds multi-supports d'assurance-vie est à réaliser en cette fin d'année pour bien évaluer ce qu'elles comprennent réellement en leur sein comme risque de signature.


-  Une obligation d'état n'est pas seulement fonction de la solvabilité du gouvernement qui l'émet mais aussi de la réserve de valeur qu'elle représente en terme monétaire. 2 motifs d'attractivité mais aussi de défiance.

Un état peut avoir du mal à trouver des financements en dépit d'une solvabilité correcte sur la simple base de la perte de confiance vis à vis de sa monnaie ou de la devise dans laquelle il émet des obligations. De même à l'inverse, émettre dans une devise de réserve peut compenser une solvabilité moins bonne. Une dégradation de la solvabilité durable de certains pays participants à une monnaie commune crée des tensions et peut éroder cette confiance à terme. Solvabilité et perte de confiance dans la monnaie sont les 2 grands motifs de "faillite" classiques historiques des états.

Nous n'en sommes pas là en zone euro. Clairement. Mais l'énoncé n'est plus seulement purement théorique comme il aurait pû l'être il y a 2 ans en arrière. La baisse des taux des banques centrales, la baisse de l'inflation permet à la plupart des états de la zone d'emprunter à des taux bas voire très bas d'autant que leurs obligations apparaissent comme les titres parmi les plus sûrs (et donc les plus recherchés) parmi d'autres très chahutés (et délaissés). Relativement plus sûrs, oui, mais pas intrinsèquement plus sûrs et certainement pas 'en amélioration' fondamentalement. Leurs déficits augmentent, leur endettement augmente, tout le monde le sait. Concernant la devise, la visibilité s'est réduite.

Publié dans INVESTIR EN BOURSE

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