Problèmes structurels et pertes des banques américaines et européennes

Publié le par Eric Dor

- Tous droits réservés © Eric Dor, Directeur de la Recherche IESEG -  Si la conjoncture mondiale continue à se dégrader, et d’après nos nouvelles estimations, les pertes totales des banques depuis le début de la crise pourraient s’élever à 4508 milliards de dollars sur des actifs originaires des Etats-Unis, et 898 milliards de dollars sur des actifs originaires d’autres parties du monde.

Les parts de ces pertes supportées par les banques américaines et européennes s’élèveraient à 2212 et 1607 milliards de dollars respectivement.


L’amélioration des résultats des banques américaines au premier trimestre 2009 reflète une augmentation normale de leurs bénéfices opérationnels dans un contexte de financement à bon marché apporté par la Federal Reserve et les pouvoirs publics, une marge d’intermédiation exceptionnellement élevée, une concurrence amoindrie par la restructuration du secteur, et des commissions importantes permises par la reprise du marché des émissions obligataires d’entreprises. Ces résultats bénéficient également de l’assouplissement des normes sur les dépréciations d’actifs et du recours à des artifices comptables.


Toutefois, les vrais dangers auxquels les banques restent confrontées subsistent et sont liés aux dépréciations de titres et prêts qu’il faut encore comptabiliser. Beaucoup d’actifs issus de la titrisation de prêts toxiques restent inscrits à des niveaux surévalués et les provisions constituées pour pertes potentielles sur les prêts sont trop basses.

Citigroup a ainsi comptabilisé 2,5 milliards de dollars de profits spéciaux en application de règles comptables qui permettent aux banques d’enregistrer des profits quand leur propre solvabilité se détériore.
Ces règles prennent en effet en compte la possibilité qu’ont ces banques de racheter leurs propres dettes à un prix dévalué, ce qui génèrerait automatiquement un profit.
Pour le même trimestre, et selon la même source, Citigroup a également épargné 631 millions de dollars de dépréciation en appliquant les nouvelles règles assouplies du Financial Accounting Standards Board, a également repris 250 millions de dollars de provisions précédentes. Sans tous ces artifices de comptabilité, le résultat de Citigroup aurait été une perte !

Les analystes s’inquiètent toutefois de l’insuffisance des provisions que les banques constituent dans leurs comptes pour faire face à des pertes futures occasionnées par des défauts de remboursement de leur prêts et des dépréciations d’actifs. Les bénéfices opérationnels des banques vont être insuffisants pour absorber les dépréciations d’actifs et provisions pour prêts en défaut de remboursement, et dont elles n’ont encore provisionné qu’une partie.


La contradiction majeure des banques actuellement, à l’échelle mondiale, c’est qu’elles peuvent fonctionner avec un cash flow positif, mais avec une position globale d’insolvabilité technique en capital.

Evidemment c’est une constatation pour le système bancaire pris globalement : à l’intérieur de celui-ci, certaines banques sont très saines tandis que d’autres sont techniquement insolvables.


Les banques européennes sont quant à elles dans une situation particulièrement difficile du fait de leur exposition conjointe aux actifs toxiques américains et aux prêts à l’Europe de l’Est, ainsi que par des facteurs structurels très désavantageux.
Leur taille est souvent disproportionnée par rapport à celle du PIB de leur pays, ce qui les rend globalement difficiles à secourir par les Etats dans un contexte institutionnel complexe qui rend une solution européenne globale incertaine.
Leur « leverage ratio » (taux d’endettement) est beaucoup plus élevé que celui des banques américaines. Les banques européennes ont proportionnellement procédé à moins de dépréciations d’actifs dans leur comptes que celles déjà actées par les banques américaines, ce qui leur laisse encore une grande partie des pertes potentielles à déclarer.


Nul doute que les fonds propres actuels des banques, en dépit des augmentations récentes de capital apportées par les pouvoirs publics et le secteur privé, ne suffisent pas pour absorber ces pertes comptables additionnelles. De nouvelles recapitalisations massives sont nécessaires.



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* Eric Dor est docteur ès sciences économiques, spécialisé en macroéconomie monétaire et financière ainsi qu’en conjoncture internationale. Il est professeur et directeur de la recherche à l’IESEG (Institut d’Economie Scientifique et Gestion) dont le centre de recherche IESEG RESEARCH est une composante essentielle du LEM, UMR CNRS 8179. Il a été auparavant senior economist chez Wharton Econometric Forecasting Associates (the WEFA Group). Il a également enseigné à l’université Paris 1 Sorbonne et l’Université Catholique de Louvain. Il est l’auteur d’articles et livres scientifiques, dont récemment « Econométrie » chez Pearson Education France

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V
Bonjour,J'ai survolé le texte de votre école. Si vous le permettez, je ferez les remarques suivantes.Vous semblez avoir une opinion critique sur les "assouplissements" comptables permis aux banques américaines. Cependant, les normes comptables mark tou market n'ont-elles pas conduit à une sous-évaluation de certains actifs? Et ces "assouplissements" ne sont-ils pas un retour à plus de logique? Même si, je le reconnais, tous les artifices comptables ne sont pas justifiés. Mais la plupart existaient déjà avant le crise.Vous prenez des hypothèses très sombres pour l'avenir. Or, comme nous sommes dans une situation dans laquelle aucune prévision n'est possible, ne convient-il pas d'être prudent dans les deux sens: ni trop optimiste, ni trop pessimiste? D'autant que le problème des actifs dits toxiques n'est pas qu'ils sont sans valeur, mais qu'on ne sait pas les évaluer. Certains se révéleront sous évalués, et inversement. Par conséquent, établir les provisions au fur et à mesure que le risque devient certain n'est-il pas mieux que des prévisions préventives? C'est d'ailleurs un principe comptable. Vous parlez de la situation des banques en Europe dans son ensemble, vous ne distinguez pas la suituation par pays. Il me semble au contraire que la situation est différente selon les pays, mais semblable pour les banques d'un même pays. Cependant, il est vrai que vous disposez de plus de données que moi. De plus, le traitement du problème bancaire n'est-il pas plus pragmatique dans certains pays européens qu'aux USA? Le Royaume Uni ne s'est pas embarrassé d'idéologie pour nationaliser ses banques, tandis que la France a concocté un organisme de refinancement ad hoc.Enfin, n'accorde-t-on pas trop d'importance aux ratios de capitaux des banques, comme le très médiatisé tier 1. En effet, une banque peut-être bien capitalisée, en bonne santé générale, mais manquer de liquidités, ce qui est le plus important pour une banque.Ce ne sont que quelques commentaires après une lecture rapide de l'article de votre école, par manque de temps, et je m'en excuse. Je n'ai pas pour métier comme vous d'étudier l'économie, malheureusement. Bonne continuation
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