LBO et private equity : Une manne financière en réduction ?
Hier nous avons vu dans l'article Apprendre et comprendre la Finance : les LBO (Leverage buy out) et levées de fonds, les principes mêmes de ce type d'opérations qui permettent via levées de fonds auprès d'investisseurs et une utilisation large de l'endettement de racheter des sociétés, technique ayant été largement utilisée en bourse ces derniers mois. Nous en avons détaillé le caractère risqué lié à son principe au-delà de toute évaluation des pratiques historiques et/ou actuelles que nous allons maintenant analyser avec leurs effets sur les marchés actions.
Les opérations les plus importantes, les plus mises en avant par la presse sont bien sûr le fait des fonds d'investissement de LBO qui associés aux banques semblent avoir un potentiel d'acquisition quasi illimité pour lequel je vous ai présenté une estimation de chiffrage pour le seul 1er trimestre qui s'élève à plusieurs centaines de milliards de dollars comme détaillé dans l'article de début juillet Les actions : un actif financier de plus en plus rare ?. Cet Article en est donc également la seconde partie.
Eh oui... plus les sociétés se font racheter en bourse, plus celles-ci grimpent retirant autant de possibilités ultérieures d'investissements pour les investisseurs. Comme pour l'achat d'un appartement, très peu de fonds ont les moyens de régler "rubis sur l'ongle" leurs acquisitions, ils font donc appel aux banques qui sont les seules maîtres réels de ce jeu comme pour les achats d'appartement qui s'élèveraient à quelques transactions ici et là... très peu de personnes ayant les moyens de se passer d'emprûnt pour payer une telle opération.
Plus la bourse monte en raison de ce type d'opérations, plus en fait le levier réel repose sur la dette.
Communément on trouve des rachats ces derniers mois qui n'ont utilsé que 20 à 25 % de fonds propres ou d'apports en capital réalisés via des levées de fonds pour procéder aux acquisitions, le reste étant le fruit des emprunts contractés. Depuis le début d'année les LBO représentent 700 milliards de dollars à travers la planète et 150 milliards en Europe soit une masse d'endettement en rapport selon le pourcentage repris ci-avant.
Si les taux d'intérêts augmentent ou si le risque crédit se détériore, vous comprenez évidemment que les emprûnts se feront moins facilement réduisant le potentiel de rachat de sociétés cotées et donc l'attractivité des bourses qui verraient là une manne importante s'amoindrir d'autant que si 4 % des acqusitions de sociétés étaient le fait des fonds privés en 2000, au 1er semestre 2007, ils avaient réalisés 25 % des opérations (source : Dealogic).
Plus les taux baissaient et plus l'argent coulait à flot, plus les ratios de valorisation se sont distandus avec selon Standard & Pooor's des opérations qui se réalisaient suivant des multiples de valorisations des affaires rachetées à 4 ou 5 fois l'excédent brut d'exploitation (ou EBE, notion détaillée complètement dans l'ouvrage) entre 99 et 2004, lequel ratio se situe dernièrement plus près des 6,5.
Des levées de fonds faibles par rapport à l'endettement contracté ainsi que des sociétés rachetées avec des valorisations élevées laissent peu de place aux incertitudes lesquelles peuvent avoir des conséquences dommageables pour les sociétés, celles-ci ayant comme motivation première le remboursement de l'emprûnt qui a servi à les racheter et en second seulement le developpement de leur activité naturelle...
Les dernières évolutions liées au marché du crédit immobilier à risque ont donc une implication directe sur ce type d'opérations dans la mesure où il s'agit d'opération risquée par nature comme vu hier et dont l'évolution récente comme nous venons de le voir ici s'est dégradée dans le temps.
* Aucune opération de refinancement de LBO n'avait été annulée l'année dernière, elles se comptent par dizaines aujourd'hui, Barings AM selon le Wall street Journal indique que depuis le 22 juin, 46 opérations de levées de fonds ont été reportées ou purement et simplement annulées représentant 60 milliards $, sans compter la tendance à voir des demandes de fonds propres de l'ordre des 30/ 35 % en lieu et place des 20/25 % couramment usités, des hausses de taux et des mutliples de valorisation des affaires à racheter en baisse et des banques restant avec des opérations et des dettes non vendue 'sur les bras'...
- . L'exemple le plus connu est le rachat de Chrysler à Daimler-mercedes par le fonds US Cerberus qui a eu du mal à boucler l'opération comme le relate le journal les Echos. Un entretien avec un représentant de Carlyle, autre fonds prestigieux, dans l'Agefi fait ainsi part de nouvelles conditions en la matière plus que de difficultés, ce fonds ayant racheté récemment un équipementier américain dans l'aéronautique avec une prime de 54 % sur le dernier cours... mais Carlyle trouve des difficultés à financer le rachat d'Allison, une filliale de General Motors en raison des conditions actuelles du marché du crédit selon Challenges.
- . Le mouvement est donc très récent car si on se réfère à l'étude de Candover, la valeur totale des rachats en Europe au 2nd trimestre est supérieure de 17 % à celle du 1er trimestre et de + 49 % sur les 6 premiers 2007 par rapport à la même période de 2006, soit des niveaux de record absolu (private equity et LBO)
----> Récapitulons : les difficultés du marché des subprime amènent à constater des pertes et à revoir les normes de financement de ce type de crédit ayant un effet de contagion sur les normes des crédits liés aux opérations de LBO, compte tenu de leurs aspects risqués en accroissement. Attention, il ne s'agit pas de pertes ici comme pour les crédits immobiliers à risque...mais simplement pour l'heure de peurs d'avoir à en constater donc.
Pourtant je publierai prochainement un article intitulé "LBO et private equity : l'autre trou noir du marché du crédit ?" en complément de Risque crédit et immobilier : trou d'air ou trou noir ? ... Y seront présentés différents éléments liés à la titrisation de ce type d'opérations qui montrent également un relâchement supplémentaire de la maîtrise des riques ressemblant à celui constaté sur les crédits immobiliers et qui vous mettra face à une nouvelle notion qui pourrait avoir potentiellement les mêmes effets que ceux issus de ce désormais fameux mot "subprime".
Daniel Bouton, patron de la Société Générale et prochain président de la FBF (Fédération bancaire française) a eu au sujet de cette "bulle du crédit" une réaction relayée par le Financial Times et Challenges que je vous invite vivement à consulter : "Une bulle de crédit à explosé"... "la répartition du coût va probablement prendre des années"