Apprendre et comprendre la finance : l'effet de levier et les appels de marge

Publié le par Gilles Caye

Comme hier avec la titrisation, nous allons aborder un autre élément purement financier qui est l'effet de levier et son corollaire 'l'appel de marges'. Il s'agit de manière générale d'utiliser un empûnt à un taux inférieur au retour sur investissement du placement dans lequel les fonds levés par le prêt vont aller s'investir, le différentiel entre le taux d'emprûnt et celui du placement permettant de doper ou de faire 'levier' pour la globalité de l'opération.
Le plus connu, le plus utilisé et le plus important quant aux sommes levés concernent le 'yen carry trade' en raison du taux très faible de la devise nippone qui permet principalement aux Hedge funds d'emprunter à 1 % pour le replacer ensuite sur des supports rapportant beaucoup plus.

Avec 1000 $, un investisseur professionnel peut obtenir (disons pour l'exemple) un levier de 10 auprès d'une banque qui lui prêtera 10 000 $. Les 1000 $ d'apport sont en fait une garantie ou un 'deposit'.
Empruntant à 1 % en yen par exemple ou sur une autre devise à faible taux, le coût sera de 100 $ d'intérêts. Replacés à 5 %, les 10 000 $ rapporteront  500 $. Le delta entre produits et charges (500 - 100) amène une rentabilité de l'opération de 400 $. La rentabilité de l'opération est de 400/ 1000 soit 40 %. Un très beau rendement.
Tout investisseur cherchant à maximiser ses profits ira de plus en plus chercher des effets de levier importants (2....3....5...10 puis 15 etc...) et scrutera l'horizon des possibilités de placements les plus rémunérateurs possibles prenant de plus en plus de risque sur les supports choisis et sur le multiple des fonds levés par rapport au deposit.

La création monétaire ou l'augmentation des liquidités dont on parle régulièrement est ainsi concrètement l'augmentation des dettes de toutes sortes notamment issue de la titrisation mais aussi de ce procédé que je viens de décrire. Plus les supports vont générer des rentabilités élevées plus ils vont attirer les capitaux en quête de placement soit vers les métaux, les matières premières, les actions chinoises, les obligations liées à l'immobilier résidentiel ou commercial qui rapporte plus etc...à nouveau comme hier l'accoutumance au risque et la complaisance à partir d'un certain stade vont prendre place car...plus des fonds sont levés pour acheter ces supports d'investissements plus ils vont monter attirant d'autres fonds en quête de rendement dans une course sans fin qui amoindrit la perception du risque à chaque fois qu'un nouvel investisseur s'y engouffre amenant avec lui une multiplication que le système permet et encourage puisqu'il y perçoit des commissions, principalement les banques. La hausse nourrit la hausse...la notion de risque s'évapore.

A partir d'un certain stade ou lors d'un élément exogène, le deposit vient couvrir la perte éventuelle mais plus l'effet de levier est important et plus le support dans lequel les fonds levés ont été s'investir est spéculatif plus la tenue de la position est sujette à cautions et est susceptible de connaître des difficultés. Avec les 1000 $ comparés aux 10 000 $ levés, une baisse de 10 % de l'investissement réalisé avec ces fonds permet toujours d'équilibrer l'opération hors charge d'intérêts. Avec 20 000 $ levés on n'est plus qu'à 5 % de marges, la banque pouvant demander ou réaliser 'un appel de marge' pour couvrir avec une partie du deposit la perte latente à un instant 't'. Imaginons qu'avec vos 1000 $ vous ayez obtenu la possibilité d'investir sur la bourse de Shanghaî attiré par la plus value de 100 % réalisée par celle-ci en 2006. A l'annonce par les autorités chinoises de mesures susceptibles de freiner la spéculation qu'elle aurait été votre réaction ? L'histoire a montré une baisse de 9 % en un jour en février. Une perte de 9 % sur les 20000 $ s'élèvent à 1 800 $, votre deposit est absorbé et votre banque vous appelle pour une marge supplémentaire pour continuer la position sinon elle "déboucle" de force l'opération en cours et chacun constate une perte dont vous êtes redevable.
 

Plus les effets de levier sont importants et plus les investissements réalisés avec sont spéculatifs plus ils sont instables et donc...susceptibles de retomber aussi vite en cascade qu'ils sont montés. C'est tout l'enjeu de périodes comme celle que nous connaissons actuellement avec le risque en chaîne inverse que cela implique soit psychologique de peur ou par simple prévention pour éviter de se faire 'coïncer'. Dans l'exemple si votre banque déboucle de force, vous êtes redevable de 1800- 1000 de deposit : 800 $ + les intérêts courus que vous allez devoir aller chercher quelque part vous obligeant à vendre ailleurs.

Ayant emprûnté dans une devise qui n'est pas forcément la votre vous subissez un risque de change. Un fonds américain empruntant en yen peut ainsi voir son opération mise en péril du simple fait d'une variation trop grande de la parité Dollar / yen amenant à des débouclages forcés comme nous en avons connus il y a quelques jours.

Comme pour la titrisation qui va se loger chez des opérateurs très nombreux et difficilement identifiables compte tenu de leur nombre et de la possibilités de revendre les titres financiers sur les marchés à tout moment, les hedge funds friands de ces pratiques résidants dans des sites "off shore" de type paradis fiscaux ne sont plus aussi bien identifiables que peut l'être une perte dans un bilan d'une banque néerlandaise ou anglaise.

Si vous mêlez effet de levier et titrisation sur des supports concernés par les prêts immobiliers à hauts risque, vous obtenez un cocktail explosif en terme de rendements et potentiellement en terme de risque. Un exemple au tout début de la crise concerne  le hedge fund,
The Second Curve Partners Fund qui après une progression de 54 % en 2006 a vu sa perte s'élever à 10 % en janvier car aux prises avec le secteur des prêts à haut risque.

Y a-t-il une limite à l'augmentation des dettes, des effets de levier ? Oui de façon pratique en raison de ces deposits, de normes prudentielles mais qui ne s'imposent pas à tous de la même manière suivant les pays et les pratiques. Y a-t-il une limite à l'endettement d'un ménage américain qui refinance son habitation pour en extraire 100 000 $ pour des besoins courants ou l'achat d'un bateau ? Oui en pratique par rapport aux revenus, aux mensualités soutenables. Non dans certains faits liés à des positions ultra spéculatives ou non transparentes des hedges funds ou au mouvement décrit hier sur la titrisation qui nous montre par les saisies de ménages que certains n'auraient jamais pu obtenir les prêts qu'on leur a accordé.
Mais dans l'absolu la réponse est non il n'y a pas de limites car tout ceci renvoit fondamentalement en fait aux articles sur la monnaie et au système monétaire qui n'est plus lié directement à l'or et dont la création ne comporte plus de comptabilisation globale depuis maintenant 1 an aux USA.(cf nombreux articles à ce sujet et le 2nd édito)

Tout ceci est à prendre en compte pour les grandes évolutions à venir car ces mouvements peuvent doper ou casser en 2 la plus belle des actions dont vous auriez étudié les caractéristiques afin d'y investir vos avoirs. La valeur d'une action via la rentabilité qu'elle procure du fait de l'activité de la société qu'elle représente est une chose qui ne doit pas vous faire oublier les mouvements globaux qui concernent l'augmentation ou la baisse des flux qui sont susceptibles de s'y déverser à l'achat ou à la vente.
De manière générale dans vos actes d'investissements, savoir sur quoi se fonde une progression et savoir ce "qu'on a en face" lors de l'acte dinvestissement est primordial.

Si les effets de levier sont susceptibles de doper le prix des actifs financiers, les appels de marge au contraire sont susceptibles en haut de la pyramide financière de voir l'écume de la vague des liquidités s'évaporer comme les actifs financiers sur lesquels elles ont été se poser. Tout ceci peut également se résumer par tout excès de dettes génèrent de plus en plus de mauvaises dettes autant que de mauvais investissements. Le mouvement actuel est-il correctif ou plus profond ? En tout cas voici encore un aspect purement financier et non pas boursier ni économique des soubresauts actuels...précisons par rapport à hier...'financier à tendance monétaire' puisque rien dans l'absolu ne peut freiner les banques centrales et les banques a multiplier cela à l'infini sauf les pertes qui sont générées et qui se retournent ensuite à un moment donné.

J'espère vous avoir fait touché du doigt ce week-end avec ces 2 articles un peu longs que l'augmentation des dettes dans le système financier emprûnte des voies qui ne sont pas visibles forcément, et donc qu'il y a là une potentialité de "crédit crunch" ou baisse du crédit qui peut l'être tout autant prenant un certain temps avant qu'elle ne se déclare à la surface. Moins de crédit..moins de croissance ? (Désolé de ne pas rendre actif tous les liens pour ceux qui découvrent le site mais je tente d'alterner articles avec liens et d'autres sans (trop) car souligner le quart d'un texte pour les plus anciens visiteurs ne doit pas non plus être agréable d'autant que cliquer sur des articles déjà connus est une perte de temps / bon dimanche)


 

Publié dans APPRENDRE LA BOURSE

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C
Bravo et merci pour ces 2 commentaires très avisés sur l'effet de levier dans le marchés mondiaux et sur la titrisation, qui sont à la fois très pédagogiques et vraiment d'actualité !<br /> Il est rare de trouver des articles aussi utiles et interessants sur le net.
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