L'évolution de la courbe des taux US : une lecture difficile

Publié le par Gilles Caye

Suite à l'article d'hier concernant les temps forts et les perspectives de la semaine passée qui a été un peu chahutée, il convient de regarder d'un peu plus près la courbe des taux pour tenter de comprendre et suivre ultérieurement ce qui est entrain de se passer.

Tout d'abord, on voit sur le graphe ci-contre que la référence en matière d'obligations, le '10 ans' des bonds du trésor US a fortement augmenté  et se dirige vers la zone des 5,25 % dans ce qui semble selon la MACD (indicateur de tendance par différentiel de moyennes mobiles) être un mouvement de hausse qui n'en est qu'à son point de départ..la MACD revenant à peine en territoire positif suggére la hausse d'autant qu'elle se développe dans un couloir ascendant. Cela va un peu vite...d'où le RSI qui entre en zone supérieure (> 70) donc en sur-achat marquant tension et reflux comme vu jeudi et vendredi.

A chaque type d'obligation correspond un graphe concernant sa cotation soit en % pour son rendement comme ici, soit sur une base 100, toute obligation étant cotée suivant ce principe pour en déterminer sa valorisation à un instant 't'. On a donc une courbe pour les taux à 10 ans, au jour le jour, à 6 mois pour le trésor américain, pour une obligation Renault ou concernant une entreprise mexicaine etc...mais ceci concerne la courbe de la valeur d'une obligation ou de l'évolution du taux d'une seule obligation.  Pour chaque obligation sur terre il existe une courbe que l'on peut voir de 2 manières donc (valeur ou évolution du %) mais cela est différent de ce qu'on appelle 'la courbe des taux'. La courbe des taux représente quant à elle le niveau et la pente des taux suivant les différents horizons (ou maturité ou encore 'échéance')  Les courbes des taux de référence sont les T-bonds ou bons du trésor US comme étudié ici ou le bund allemand pour l'euro. Cela représente en fait les obligations ou emprûnts d'Etat. Ceci donne une vision très large des conditions d'emprunts d'une économie et permet d'en appréhender les fondements et d'en approcher les conditions futures. Le graphe ci-contre nous donnait la courbe de l'évolution du taux de l'emprûnt à 10 ans, en cliquant sur le lien encadré vous obtiendrez une courbe des taux des obligations US.

 

EVOLUTION DE LA COURBE DES TAUX US SUR 6 MOIS

Que voyons nous ? Certes les taux ont augmenté de façon assez importante en 6 mois mais ce qui est surtout à noter concerne la forme de la courbe. La dernière fois que nous avions étudié ce point,  j'avais conclu à une forme ne correspondant à aucune des formes 'classiques' à savoir, normale, pentue, inversée ou plate mais plutôt 'brisée' tout en étant inversée en partie. D'inversée et 'brisée', la courbe vient de passer à normale et redevient pentue. Incurvée en orange, elle devient 'bombée' en marron sur le graphe et plus l'échéance est courte plus la différence est nette..le différentiel entre le 10 et le 30 ans n'ayant presque pas évolué. Vous pouvez relire à cet égard l'analyse d'il y a 6 mois Quel est le message de la courbe des taux US?

---> Quel est ce message aujourd'hui, 6 mois plus tard ?

  • Une courbe inversée appelle le plus souvent une récession à venir, tel est le cas la plupart du temps et cela s'est vérifié de nombreuses fois dans le passé. La croissance américaine a ralenti mais n'est pas en récession et voilà que la courbe se 'repentifie' annonçant d'ores et déjà la fin du 'trou d'air'...est-ce le message ? Peut être et il faut l'avoir à l'esprit. La courbe des taux annonçait un ralentissement aux USA...nous l'avons..serions nous repartis comme le suggère la courbe de ce jour ?
  • Deuxièmement, la sensation que l'inflation peut ressurgir et les tensions inflationnistes plus perceptibles sur le terrain et dans les craintes des investisseurs amenent la courbe a évoluer dans ce sens, l'investisseur souhaitant se couvrir contre la perte due à l'inflation et donc demande toujours dans ce contexte un rendement supérieur pour pouvoir l'amortir.

Mais cela amène 2 autres possibilités. Je me fonde sur le côté 'brisée' de celle-ci devenue 'bombée' à l'image d'un 'trampoline' sur le milieu de la courbe qui se serait tendu et qui se détendrait soudain :

  • - ceci ressemble à une 'normalisation de l'approche globale du risque' car nous avons maintenant une logique plus saine entre des taux qui sont de plus en plus élevés à mesure que l'horizon est lointain et donc que le risque est plus grand... La crise immobilière aux USA menant des milliers de personnes à la saisie de leurs habitations et à la faillite de 80 institutions financières leur ayant fait crédit dans ce but amène à réapprécier l'acte de prêt dans toutes ses composantes. Plus les défaillances iront en s'accroissant plus la courbe risque de monter et de retrouver ce côté 'bombée'.
  • - corrolaire du point précédent, la rémunération des placements en dollars se fait contre des taux de plus en plus élevés pouvant laisser suggérer que les crédits américains ne trouvent plus preneurs pour des rémunérations aussi faibles que celles qui prévalaient 6 mois en arrière. Le pays s'endette de plus en plus et les apporteurs de fonds en demandent toujours plus d'intérêts pour le risque pris. Voilà qui est sain. Est-ce le message des bailleurs de fonds de l'Amérique ?

Il y a 6 mois nous avions des interrogations sur un ralentissement et étions étonnés d'avoir une courbe inversée qui amenait à percevoir de moins en moins d'intérêts à mesure qu'on prenait un risque de plus en plus grand dans le temps. Aujourd'hui la logique réapparaît sous le coup du ralentissement économique, des risques d'inflation et tout simplement du risque crédit.

Il y a 6 mois la courbe pliait sous le poids des investisseurs déversant leurs avoirs dans les obligations US, aujourd'hui le trampoline semble recevoir une masse moindre de la part des investisseurs. Si le dollar en est sorti gagnant, voilà une information qui risque d'affaiblir encore particulièrement le secteur immobilier US dont les conditions de financement viennent encore de se dégrader cette semaine.

Inflation, croissance économique et conditions de financement extérieures et intérieures des USA sont les 4 tenants fondamentaux de la courbe des taux et de la vision actuelle des marchés obligataires. Lesquels vont évoluer le plus maintenant et prendront le pas sur les autres ? A suivre...

Publié dans INVESTIR EN BOURSE

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I
Bonjour, question : un krach obligataire est il évitable? samedi matin,  5 min avec la directrice d\\\'agence ; quid des sicav oblig?   réponse : nous conseillons de vendre
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G
Il y a 2 types de Krach obligataire: l'un est très connu, l'autre moins connu:<br /> Celui par les taux...hausse des taux...baisse des obligations en portefeuille..hausse des taux...baisse...Etc...<br /> Celui par l'insolvabilité et le risque de non paiement : faillite banqueroute etc...<br /> Le 1er n'est ici pour l'heure qu'un simple ajustement mais le second auquel peu de gens pensent fait cependant débat surtout depuis la crise de l'immobilier US qui a envoyé par le fonds 80 institutions financières aux USA. C'est très marginal encore mais il est présent: c'est le risque crédit<br /> si l'inflation revient, les taux augmenteront, si le risque crédit se dégrade encore, les taux augmenteront...avec un historique de 20 ans et plus de baisse des taux et donc de hausse record sur la période des obligations..le conseil qui vous a été donné ne m'étonne pas.<br /> Attention cependant, qui dit perturbations sur les marchés dit aussi 'refuge' et le réflexe de refuge dans les obligations d'Etat est encore vivace pouvant amener les taux à se réduire comme en février...la valeur des obligations 'pourries' ou dégradées baissant alors que celle les plus sûres voyent affluer les liquidités....<br /> Le plus gros risque de Krach sur le marché obligataire est lié à mon sens au risque crédit, l'inflation..ou la hausse des taux pour une autre raison X ou Y ne donneront pour l'heure que des ajustements plus ou moins violents. Le 2nd gros risque sur les taux réside dans un ajustement trop rapide des devises, notamment le dollar mais aussi le yen et le franc suisse et qui obligerait en contre offensive de défendre une monnaie par une hausse soudaine des taux. Des mouvements brusques des monnaies des pays émergents à la hausse amenant leur inflation dans les pays développés est aussi à considérer.<br /> N'oubliez pas qu'il existe des tas de types d'obligations et que vous vous trouvez dans la position de celui qui fait crédit. Je 'place' sous forme d'obligations  vaut dans le langage courant mais concrètement vous êtes celui qui fait crédit amenant son argent contre un % et prenant un risque. Si votre obligation est bien sélectionnée, vous retrouverez vos 100 % de capital à la fin, il n'y aucun risque sur le taux d'intérêt puisque vous percevrez tout au long de la vie de l'obligation les coupons. Il y aura juste un manque à gagner éventuel si les taux augmentent et une éventuelle non couverture de l'inflation.<br /> Pour une sicav obligataire..il faut savoir quelle est l'orientation de gestion et quel est son type. Si c'est l'inflation qui refait surface..ou si c'est votre anticipation...une obligation indexée sur l'inflation n'est pas investissement dénué de sens dans l'absolu.
M
Merci pour ce rappel sur les taux et cet état des lieux. Allons-nous également vers une poursuite de la hausse du dollar initiée depuis peu ?
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G
L'euro/dollar est pris entre un plus haut à un peu plus de 1,36 et son support ascendant qui remonte à 2001/2002. Pour le long terme, il semble que la baisse du dollar soit toujours d'actualité mais comme on peut le voir sur le 3 ème graphe de l'article suivant http://www.apprendrelabourse.org/article-6768529.html<br /> le mouvement récent laisse présager un retour haussier du dollar jusqu'à 1,32/1,33.<br /> Ensuite..c'est la tendance long terme qui serait en jeu. Si on élargie il faut savoir cependant que l'euro/dollar 'reconstitué' avec les anciennes devises avait culminé à plus de 1,60 à 3 reprises dans les années 70 (1,62 en 80) et à plus de 2 en 1950<br /> Nous sommes actuellement au-delà de la résistance oblique qui passe par les plus hauts de 1950, 1970 et celui de 1995 mais nous sommes encore sous la résistance à 1,36 des plus hauts de 1995 et 2004. Au-delà de 1,37/1,38, la baisse du dollar a du chemin à faire.<br /> L'euro n'est donc pas si haut que cela face au dollar historiquement..il vient juste de casser son canal baissier de très long terme il y a 3 ans et  se trouve dans un canal haussier qui prend sa source en1985 à 0,62. <br /> De 0,62 à 1,62 voire 2..on voit que les amplitudes historiques n'ont rien à voir avec le différentiel 1,18 de la création de l'euro au 1,34 d'aujourd'hui presque bénin...<br /> Je ferai prochainement un point sur le dollar index qui est à surveiller également sur des seuils historiques<br /> http://www.apprendrelabourse.org/article-6381673.html