Bien décider en bourse ou comment apprendre à avoir tort
Une des croyances les plus répandues en matière de bourse ou d'investissement parmi les 'débutants' ou 'non-initiés' est que le principal travail de ceux qui dégagent des résultats positifs est de déterminer les tendances favorables et leur grande qualité est de savoir bien sûr trouver les investissements bénéficiaires. Comme en démarrant dans le domaine, on a conscience de son manque de connaissances ou de savoirs, la tendance la plus lourde qui soit est de se mettre à suivre un spécialiste, un expert, un professionnel, un journal financier, un conseiller, bref une personne tierce.
Le travail pour devenir autonome étant vécu comme difficile, long et engage des remises en cause personnelles parfois dures, c'est en fait une solution de facilité.
L'idée est 'je suis celui-ci qui gagne de l'argent et je vais en gagner aussi'. Simple et imparable. Ces gens savent forcément dans quoi investir et quand !" La preuve d'ailleurs ils sont riches. Votre voisin est sceptique sur l'analyse d'un-tel que vous avez lu ici ou ailleurs mais comme il est moins 'autorisé' dans ses avis et moins riche, son avis aura moins de poids...
A des niveaux d'expérience plus avancées chez le particulier ou le professionnel, bien sûr, l'attitude s'estompe au fur et à mesure que le métier 'rentre' mais l'inclinaison reste d'aller fouiner ici et là dans les journaux les avis et les recommandations. Sans remettre en cause cette activité fort louable, très nécessaire il convient de se rendre compte et de mettre à jour consciemment que ne sont traités dans tous ces supports que des éléments sur le sens ou la direction des cours mais extrêmement rarement des appréciations sur la gestion des positions à la suite des avis, conseils ou portraits de situation économique qui y sont donnés.
Bref, le monde de la bourse et de l'investissement dans son vécu collectif tel que nous le connaissons jour après jour est avant tout fait de gens qui montrent des directions et qui évoquent des scénarios. Ceci n'est pourtant que la partie visible et notoirement insuffisante pour réussir. Vous pouvez d'ailleurs vous tromper et très bien réussir à condition de vous ménager un espace pour avoir tort et d'agir rapidement en conséquence si cela se présente. Il s'agit d'être à l'aise avec le fait d'avoir tort, de savoir le gérer et d'en tirer des actes qui vont vous sauvegarder et vous prémunir des pertes liées à vos erreurs. Comment cela est-ce possible ?
Une interview du célèbre investisseur Georges Soros dans le Wall Street Journal de ce week-end, qui a fait fortune notamment en spéculant contre la Livre Sterling il y a 15 ans, est à cet égard édifiante :
Alors qu'il sort un nouveau livre criant au cataclysme financier et à l'effondrement systémique, le journaliste rappelle tous les livres sortis depuis plus de 20 ans dans lesquels l'investisseur criait au loup pratiquement à chaque occasion. La justification est ici que les crises précédentes étaient des tests dans l'attente de LA grande crise que nous sommes entrain de vivre selon l'expert. S'engage ensuite un débat sur le fait que cette crise pourrait être tout aussi bien un nième test de cette "super-bulle" selon Soros. Puis vient :
WSJ : Mais comment se peut-il que vous soyez riche alors que vos visions/descriptions du monde ont été aussi erronées jusqu'à présent ? |
G.SOROS : Je suis seulement riche parce que je sais quand j'ai tort. |
Donnez vous l'opportunité d'avoir tort. Ayez un plan B au cas où les choses tournent mal. Repérez la sortie de secours et situez la sur vos graphes ou sur un papier comme vous savez où est la sortie de secours dans une salle de cinéma avec ce petit sigle rouge lumineux 'EXIT'. Préparez les choses même d'avance. Placez des ordres STOP, des ordres de ventes à titre de sécurité. Soyez honnête avec vous même et sachez reconnaître vos erreurs. En étant à l'aise avec cela, on peut réagir rapidement, très rapidement même. En prévoyant cela on se ménage aussi mentalement car on évite le combat face à soi-même et à son ego de ... la fameuse ... remise à plat intime après "s'être trompé". Vous avez le droit de vous tromper, tout le monde se trompe même de grands financiers. N'ayez surtout pas peur de 'couper' ou de changer de sens à ces moments.
Se tromper n'est pas terrible, cela peut le devenir par contre si vous ne faîtes rien financièrement et psychologiquement.
Vous ne pouvez pas avoir 'raison' dans 100 % des cas mais vous pouvez à chaque fois que vous avez tort en limiter les conséquences au maximum. Cela appartient à chacun d'entre nous. C'est une responsabilité propre, personnelle, intime dans l'acte d'investissement.
Ce n'est pas à méditer. C'est à appliquer. Soyez prêt à vous tromper. Si l'idée vous pose problème, Travaillez dessus. Le sens et la direction sont une chose, leur gestion une autre. On est toujours seul ici. Mais c'est une opportunité car c'est un élément qui dépend de chacun d'entre nous et non des marchés. Votre erreur a un prix, chiffrez la d'avance.
Comme vous et moi, Soros est soumis à l'euphorie et au désespoir (ses propres mots) mais Il dit aussi qu'il a survécu en reconnaissant ses erreurs. Le travail en bourse est souvent plus compliqué quand il s'agit de travailler sur soi que sur des données comptables ou des graphes avec des indicateurs techniques. C'est un travail constant pour tout le monde.