Les liquidités..., le nerf de la guerre ! (suite)

Publié le par Michel Delobel

(Michel Delobel / ACGest - formations et coaching) Il y a quelques semaines de cela, nous avions évoqué le sujet des liquidités, et leur importance pour la bonne gestion d'un portefeuille → Les liquidités…, le nerf de la guerre !


Si la part des liquidités à conserver dépendra de bon nombre de paramètres, comme votre aversion au risque, votre horizon d'investissement, vos objectifs d'évolution du marché, elle devra évoluer dans le temps en fonction du déroulement ou non de votre scénario et de l'évolution du marché.

 

Nous allons voir aujourd'hui, à l'aide d'un exemple basé sur le CAC, comment illustrer cette gestion des liquidités. Ce n'est bien sûr qu'un exemple, et si cela paraît toujours plus simple sur le papier que dans la réalité, j'espère que cela vous permettra de mieux comprendre comment gérer ces liquidités et votre portefeuille.

 

Dans notre exemple, nous allons prendre le cas d'un portefeuille MT/LT, dont nous allons suivre l'évolution à partir de septembre 2004. Le CAC évolue à ce moment là dans un canal haussier LT, matérialisé en vert sur le graphique ci-dessous, et vient de rebondir sur la base de ce canal.

 

Nos objectifs sont une poursuite de la tendance haussière par paliers au sein de ce canal, éventuellement jusqu'aux plus hauts historiques des 6900 pts. Nous allons donc faire évoluer les liquidités au fur et à mesure de l'arrivée sur de nouveaux paliers de marché, et en fonction de l'évolution du marché au sein du canal haussier.

 

 

Les différents paliers que nous nous sommes fixés, notamment à partir de l'analyse technique (suite à la période 1999/2002), et en veillant à un écart relativement proche entre chaques, sont les suivants :

                                                   Palier 1 : 4250

                                                   Palier 2 : 4700

                                                   Palier 3 : 5250

                                                   Palier 4 : 5700

                                                   Palier 5 : 6450

                                                   Palier 6 : 6900


Nous allons diminuer l'exposition du portefeuille au fur et à mesure que les paliers sont atteints, ou que le haut du canal haussier est testé, et au contraire l'augmenter à chaque phase de repli, retour sur la base du canal haussier ou sur les paliers franchis. On pourrait bien sûr prendre plus de paliers, pour une gestion plus fine, mais cela suffira bien pour l'exemple.

 

Que se passe-t'il si le scénario ne se déroule pas comme prévu, c'est à dire que le marché sort de son canal ?

 

Si la sortie se fait par le haut, il n'y a dans l'immédiat pas grand chose à faire : on continuera à diminuer l'exposition du portefeuille avec l'atteinte de nouveaux paliers. Par contre, le scénario devra être revu, et donc les points d'augmentation de l'exposition du portefeuille devront être revus, pour évaluer la nouvelle tendance en place.

 

Si la sortie se fait par le bas, l'exposition doit être diminuée, mais pas précipitemment, avant de revoir le scénario, pour passer sur un scénario neutre ou baissier.

 

Dans les deux cas, le principe reste toutefois le même : augmenter l'exposition lors de l'arrivée sur des supports, et la diminuer lors de l'arrivée sur des résistances. Ensuite, en fonction des objectifs donnés par le nouveau scénario mis en place, on pourra aller vers une diminution plus ou moins importante de l'exposition du portefeuille lors des retours sur résistance.

 

Je vous sens dubitatif... ? Voyons voir cela de façon concrète, et revenons sur notre graphique du CAC. On imagine un portefeuille investi à 70% en septembre 2004 (prenant en compte un risque de retour sur 3000 ou en dessous). Si le marché montait en ligne droite sans consolidation jusqu'à l'objectif LT des 6900 pts, notre portefeuille devrait être réduit à 0. Nous avons identifié 6 paliers, cela ferait donc près de 12% par palier, mais la probabilité d'une telle montée sans aucune consolidation étant très faible pour ne pas dire improbable, nous allons augmenter les allègements sur les premiers paliers, pour les diminuer au fur et à mesure que les paliers seront atteints sans consolidation.

 

J'ai fixé (à l'aide d'une petite formule dont je vous éviterai le détail) les différents allègements par paliers, puis fait évolué ces paliers et les niveaux d'exposition du portefeuille en fonction de l'évolution du marché, toujours à l'aide de la même formule. Ce n'est bien sûr qu'un exemple, vous pouvez prendre le parti de fonctionner différemment, de façon plus ou moins linéaire.

 

Attention, dès qu'une consolidation sensible intervient, ramenant le marché sur des niveaux de renforcement, il faut bien sûr recalculer les allègements en fonction du nombre de paliers restant et en fonction de la nouvelle exposition du portefeuille. Ainsi, lors de chaque consolidation sensible (retour sur un palier précédent, ou nouveau gros support identifié), l'investissement est réaugmenté à hauteur du seuil précédent.

 

Lorsque le marché arrive sur le haut du canal, il s'agit également d'alléger le portefeuille, en fonction de la position par rapport aux différents paliers.

 

Je m'arrête toutefois là pour la théorie, pour passer enfin à notre exemple, sur lequel j'ai porté les niveaux d'exposition du portefeuille en fonction de l'évolution du marché. Nous démarrons au deuxième semestre 2004 : le marché vient de rebondir sur le bas de son canal. Nous sommes investis à 70%.

 

Le scénario ne se déroule bien sûr pas toujours à la lettre. Ainsi, lors de la première phase haussière, nous ratons de peu le premier allègement à 35%, qui n'est effectué que lors du rebond de décembre 2006. On ne peut pas toujours alléger sur les plus hauts ni renforcer sur les plus bas :-)

 

Le graphe ci-dessus ne vous présente bien sûr que le résultat de la formule appliquée et des recalculs et réajustements de paliers (le palier à 5250 est ainsi passé à 5300 après mai 2006). On y voit toutefois le principe d'augmentation et diminution de l'exposition du portefeuille en fonction du comportement du marché par rapport à notre scénario.

 

Mais derrière cet exemple qui vous paraît peut-être compliqué, est-ce que tout cela sert réellement à quelque chose ? En dehors du fait que cela évite de se prendre la tête à chaque mouvement du marché pour savoir à combien investir ou désinvestir (tout est « prévu » à l'avance), et permet de mieux gérer les phases de repli d'un point de vue psychologique, nous allons faire un petit bilan comptable.

 

Comme cela, on a l'impression qu'un investisseur qui aurait conservé ses 70% d'investissements de départ aurait gagné bien plus à l'arrivée. Voyons voir ce qu'il en est réellement.

 

Le cas le plus simple est celui du portefeuille investi à 70%, et que l'on laisse tel quel. Pour simplifier, on va considérer que les liquidités ne sont pas placées, même s'il existe désormais des comptes titres rémunérés automatiquement. Cette hypothèse est défavorable à notre second mode d'investissement, puisque libérant globalement bien plus de liquidités...

 

              Point de départ : 3600 pts.

              Point d'arrivée : 4900 pts.

              Bilan global : 36,11% x 0,7 = 25,27 % de performance

 

Voyons maintenant avec le tableau suivant le bilan de nos opérations :

 

Seuil

 

CAC

 

Evolution

 

Investissement

 

Performance

 

A

 

4250

 

+18%

 

70%

 

+12,6

 

B

 

4650

 

+9,4%

 

51%

 

+4,8

 

C

 

5250

 

+12,9%

 

35%

 

+4,5

 

D

 

4850

 

-7,6%

 

22%

 

-1,7

 

E

 

4650

 

-4,2%

 

34%

 

-1,4

 

F

 

5300

 

+14%

 

44%

 

+6,1

 

G

 

5700

 

+7,5%

 

26,8%

 

+2

 

H

 

5300

 

-7%

 

13,8%

 

-1

 

I

 

5700

 

+7,5%

 

26,8%

 

+2

 

J

 

6150

 

+7,9%

 

13,8%

 

+1,1

 

K

 

5700

 

-7,3%

 

8%

 

-0,6

 

L

 

5300

 

-7%

 

13,8%

 

-1

 

M

 

5700

 

+7,5%

 

30%

 

+2,2

 

N

 

5400

 

-5,3%

 

15%

 

-0,8

 

O

 

5700

 

+5,5%

 

22%

 

+1,2

 

P

 

5450

 

-4,4%

 

11%

 

-0,5

 

Q

 

5250

 

-3,7%

 

15%

 

-0,6

 

R

 

4650

 

-11,4%

 

20%

 

-2,3

 

 S

 

5000

 

+7,5%

 

55%

 

+4,1

 

X

 

4650

 

-7%

 

35%

 

-2,5

 

T

 

4450

 

-4,3%

 

55%

 

-2,4

 

X

 

4650

 

+4,5%

 

67%

 

+3

 

U

 

4900

 

+5,3%

 

 

55%

 

+2,9

 

     

Bilan

 

+31,7 %

 

 

Ajoutez à cela la rémunération des liquidités supplémentaires dégagées, et vous obtenez un rendement encore plus intéressant, sans compter les avantages d'un point de vue stress face aux éventuels replis de marché. Vous diminuez votre risque, vous diminuez votre stress, et augmentez vos performances. Que demander de plus ? D'autant que le comportement du marché pris sur cet exemple n'a pas été des plus favorables, puisque la première phase de hausse a été exceptionnelle et sans quasiment aucune consolidation, nous conduisant à alléger beaucoup le portefeuille...


Pour ceux qui souhaitent aller plus en profondeur sur le sujet, n'hésitez pas à me solliciter. En attendant, à bientôt pour une nouvelle intervention, article ou analyse sur Apprendrelabourse.org.

Publié dans APPRENDRE LA BOURSE

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M
Rassurez-vous, vous n'avez pas dit trop de bétises :-) Beaucoup de questions posées, je vais donc essayer d'y répondre une par une :1- Il fallait bien prendre un point de départ et un niveau d'exposition du portefeuille. J'ai choisi ce point car il fait suite à la validation du canal haussier vert (il n'était pas possible de le tracer aussi précisement auparavant, par manque de points), et le scénario s'appuie sur une poursuite de la tendance au sein de ce canal. Un bon point d'entrée est bien sûr important, mais si vous n'êtes pas sûr de votre point d'entrée, rien ne vous empêche de démarrer avec une exposition moindre. Les 70% sont en fait plutôt le résultat d'un portefeuille qui existait déjà auparavant, car il semble délicat d'investir 70% d'un coup, quelque soit la qualité du scénario :-)Evidement, en cas de cassure du canal (comme cela a été le cas en 2007), le scénario doit être revu : soit un scénario neutre, soit un scénario baissier, et dans ce cas là, l'exposition du portefeuille sera bien entendu réduite au début et sur tout retour en haut de tendance, pour être petit à petit renforcée lorsque les objectifs à la baisse sont atteints les uns après les autres.2- Après les plus hauts en mai, je poursuis effectivement le scénario haussier, car rien à ce moment là ne permet de dire que l'on va finir par casser le canal vert. J'ai d'ailleurs poussé le raisonnement à son maximum, notamment en renforçant en novembre 2007 et  janvier 2008, alors que cette fois, la tendance était clairement en train de changer (plus hauts de moins en moins hauts). Tout ceci pour montrer que même si on suis "bêtement" la méthode, cela peut fonctionner également. Bien sûr, devant l'alerte constituée par des sommets de moins en moins haut, vous auriez pû tout à fait décider de ne pas renforcer à ce moment là. Une méthode c'est bien, mais cela ne remplacera jamais le cerveau humain, capable d'ajuster l'application de la méthode selon les conditions. De même, des allègements et renforcements ont été ratés en début de scénario, les paliers n'ayant pas été atteints pour quelques points. Dans la réalité, rien ne vous empêche de lisser un peu plus les allègements lorsqu'on se rapproche d'un seuil important.3- La performance peut-elle rester positive ou en tout cas acceptable en cas de baisse LT des marchés ? Tout dépend bien sûr du scénario que vous vous êtes fixé : si votre scénario se déroule globalement bien, vous devriez vous en sortir. Après, c'est sûr que si vous êtes sans arrêt déphasé, ça sera plus difficile. Mais le plus important reste d'identifier des niveaux d'invalidation de votre scénario, qui vous conduiront à revoir votre copie. Ici, après la cassure du canal vert, nous sommes passé dans un scénario baissier MT. Il est clair qu'une cassure haussière du canal rouge nous pousserait à revoir le scénario.4- Vous parlez enfin de moins value latente : je ne suis pas sûr de bien vous suivre et comprendre ce dont vous parlez. L'important reste quoi qu'il en soit de raisonner de manière globale sur l'ensemble du portefeuille. Vous ne devez pas déboucler totalement votre position, même si votre anticipation est baissière, car vous n'êtes jamais sûr d'avoir raison. (à moins de revoir définitivement votre objectif de nouveaux plus hauts sur les marchés dans les années à venir).Bien évidemment, en pratique, si vous avez un petit portefeuille, vous aurez aussi plus de difficultés à reproduire l'indice : vous pourrez faire mieux, mais aussi moins bien. Vous serez donc peut-être amené à devoir arbitrer certaines valeurs au profit de d'autres. Cette méthode a donc également ses limites, mais le but était plus de vous expliquer le mécanisme qu'autre chose.5- Concernant la formule, je ne suis pas sûr qu'elle soit bien compréhensible en l'état. Je suis en train de mettre en place une petite formation détaillant justement ce mode de fonctionnement, et comment utiliser et comprendre la formule.Si vous la voulez brute, vous pouvez toujours m'envoyer un email à l'adresse contact (at) acgest.com. Je me ferai un plaisir de vous l'envoyer.
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S
Bonjour et merci pour cet article ô combien intéressant.J'aurai 2-3 questions à vous poser pour être sûr d'avoir bien compris.Tout d'abord, le point d'entrée me semble être le plus important puisqu'il va conditionner la réussite future du scénario. Dans votre exemple, si les cours partent à la baisse après notre entrée, je suppose qu'on a décidé au préalable d'un stop-loss pour l'ensemble de la position. Dans le cas contraire, on  commencerait à moyenner à la baisse ce qui est évidemment très dangereux et proscrit surtout avec une telle exposition (70%).Après les plus hauts en Mai, vous poursuivez votre stratégie adaptée à un scénario haussier. Or le marché commence une consolidation avant de chuter assez fortement début 2008. On ne peut pas le prévoir à coup sûr et cette stratégie d'investissement permet d'éviter une prise de décision difficile mais n'est-ce pas dangereux ? Visiblement, depuis la baisse, la performance reste légèrement positive. Peut-elle le rester sur une tendance baissière de long terme ? Il me semble également qu'on est une moins-value latente avec le résidu d'investissement datant des plus hauts du cac. Si l'on décide de déboucler totalement la position, son impact n'est-il pas trop important ?Il serait intéressant d'avoir aussi le mode de calcul des débouclages et renforcements de la position au fil des paliers si c'est possible.Voilà j'espère n'avoir pas dit trop de bêtises et merci encore.
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