Crise financière : les jokers de l'Etat US
Le CAC 40 termine la séance en hausse de + 9,27 % à 4 324,87 points dans des volumes très imposants de 13,91 milliards € à la faveur d'une prise en main étatique américaine tout à fait exceptionnelle compte tenu de la situation. Bush a reconnu que compte tenu 'des conditions précaires des marchés financiers, et de l'importance vitale pour la vie quotidienne des américains, l'intervention du gouvernement devenait essentielle', soulignant le caractère historique de la situation et des mesures qui vont pourtant à l'encontre des principes de libre entreprise et de non intervention étatique sur les marchés. Mais situation oblige...
** Le 'plan' et les mesures en détail :
- le plan n'est pour l'heure guère formalisé et consiste comme évoqué hier soir dans les news à sortir les mauvaises dettes du système financier et à les parquer dans une entité spécifique le temps de calmer les choses et de dénouer une à une les positions puis de vendre les actifs dans de bonnes conditions par la main de l'Etat de manière à pouvoir espérer obtenir des prix suffisants pour permettre de rembourser les dettes affichées en contrepartie.
Il s'agit de monter une structure dite de 'defeasance', nom connu des français via le CDR (consortium de réalisation) que l'Etat avait monté dans le cadre de faillite du Crédit Lyonnais pour isoler d'un côté une entité saine et en extrayant de l'autre les actifs et les dettes douteuses et litigieuses dans cette entité spécialement créée à cet effet. Nous reviendrons sur cela prochainement car cela passe d'abord par un vote du Congrès et un chiffrage plus précis qui pourrait atteindre jusqu'à 1 000 milliards $.
La perspective de sortir enfin du 'bourbier' sans fin a été un des éléments moteurs de la hausse mais 2 aspects précis ont déjà été mis en place vu l'urgence et sont d'ores et déjà opérationnels :
- tout d'abord, mesure encore plus exceptionnelle annoncée ce jour, Washington va garantir les actifs des fonds monétaires des épargnants et autres fonds communs de ce type investis en titres du marché monétaire via son fonds de stabilisation boursière à hauteur de 50 Mds $ . Plusieurs fonds de ce type ont laissé les épargnants avec des valeurs inférieures au capital investi au départ cette semaine alors qu'ils sont réputés être quasiment sans risque, la mesure visant à éviter, avant tout, toute panique générale et des retraits. Plusieurs fonds, dont un très important, avait annoncé plus tôt leur incapacité à rembourser 100 $ à leurs clients pour une valeur de 100 $ investie au départ.
- concernant le marché boursier, la nouvelle concerne un point technique très important mis en oeuvre par la SEC, le gendarme de la bourse de N-Y, qui a interdit tout simplement les ventes à découvert sur 799 institutions financières jusqu'au 2 octobre prochain avec renouvellement possible. Ceci est une mesure d'exception qui va bien au-delà de l'interdiction temporaire "des ventes à découvert nues" traitées ici précédemment en début d'été. C'est une impossibilité complète de pouvoir procéder de la sorte (rappel du principe : un investisseur vend un titre à 100 et espère le racheter à 80 en anticipant une baisse en empochant la différence soit : 20) Au Royaume-Uni, l'interdiction va jusqu'au 16 janvier. La même mesure a été prise à Moscou.
Les vendeurs à découvert avec une telle mesure sont donc sortis de leurs positions en masse occassionnant un appel d'air haussier tout à fait exceptionnel sur les financières avec une hausse de + 26,32 % sur le Crédit Agricole par exemple. Le RTS, indice de la bourse russe gagne + 22,39 % avec des interruptions de séance cette fois-ci en raison de hausses trop fortes.
→ Pour revoir ce principe haussier explosif qui nettoie le banc des vendeurs et oblige ceux-ci à venir grossir celui des acheteurs malgré eux, vous pouvez consulter l'article paru il y a 2 mois → Apprendre et comprendre la bourse en temps réel : effets des débouclages de ventes à découvert
Pour la France, chacun prendra connaissance du communiqué de l'autorité des marchés financiers (AMF) paru en cours de séance. Au moment de la rédaction de cet article, nous apprenons dans la soirée "l'l'interdiction de transactions non sécurisées et transparence des positions courtes sur titres du secteur financier. Toute personne détenant une position nette à la baisse supérieure à 0,25% du capital d'une société du secteur doit en informer l'amf et le marché au plus tard à j+1. Les nouvelles règles débuteront le 22 septembre pour une durée minimale de 3 mois pendant lesquels l'amf pourra procéder à toute adaptation justifiée par l'évolution du marché. L'amf appelle les institutions financières à s'abstenir de prêter l'un des titres du secteur financier sauf s'il s'agit de couvrir une position déjà prise' (Source : Reuters)
Voici une semaine d'anthologie qui s'achève à Paris sur un équilibre du CAC 40 (- 0,18 %) qui aura vu depuis lundi les fondements du système financier US se dérober littéralement sous nos pieds et dont le coeur même était susceptible d'être atteint en rompant la confiance générale rendant inéluctable une intervention massive du gouvernement US et des autorités de nombreux pays.
Si ces éléments techniques sont opérationnels, les détails, le chiffrage et l'efficacité du plan global restent en suspend à plus long terme. La masse des crédits privés est entrée désormais dans le domaine public avec une grande inconnue comme souligné hier soir concernant la réaction des marchés obligataires dont dépendent les USA sur leur approche, avec le marché des changes, de la solvabilité à terme du pays en cas de dégradation ultérieure. Par rapport au premier édito de ce site qui posait la question de savoir jusqu'où mènerait la faillite des ménages sur le terrain vis à vis de leur immobilier, force est de constater que le risque de crédit est arrivée 'tout en haut' désormais. C'est le point négatif majeur.
D'un point de vue historique par contre, et comme déjà évoqué, les crises bancaires aiguës comme celles qu'ont rencontrées les pays scandinaves au début des années 90, qui fait figure de crise 'bien solutionnée' grâce à une intervention massive des Etats pour renflouer les banques et solutionner une fois pour toute les créances douteuses, la prise en main du problème est ici un facteur plutôt encourageant.
Il ressort des 'leçons du passé' que l'intervention directe ciblée et sans ambages est un des facteurs clés de réussite de sortie de ce type de crise. C'est ainsi que le magazine londonien spécialisé creditmag destiné aux investisseurs sur les marchés du crédit a fait sa 'Une' en septembre sur une interview d'un conseiller de la Banque centrale de Suède sur les leçons que l'on peut tirer de la crise du crédit qui avait sévit dans ce pays à l'époque.
Les annonces faites vont plutôt dans le bon sens si on fait un parallèle avec ce précédent historique qui trouvait également sa source dans l'immobilier. C'est un point positif à retenir. Les actes et les effets de ce plan d'assainissement restent à suivre bien sûr.
Le Dow Jones clôture en hausse de + 3,35 % à 11 389,44 points.
D'autres articles paraîtront durant le week-end.