Allemagne : l'horloge du cycle économique de retour dans le vert mais c'était peut-être le plus facile
L'indice ZEW du sentiment économique des investisseurs (1er graphique ci-dessous) publié le 15 septembre dernier qui avait atteint 77,4, soit un niveau record plus vu depuis juin 2000, laissait supposer de" belles choses" concernant la publication du climat des affaires IFO. Ce dernier est ressorti effectivement aujourd'hui à 93,4, au plus haut depuis février dernier.
Ce faisant, cette performance permet à l'horloge du cycle économique tel que définie par l'institut IFO (2nd graphique) de se repositionner en zone de "boom".
Mais avant de rentrer plus en détail dans ce chiffre qui signe le retour de la croissance au sein de la première économie européenne, attardons-nous quelques instants sur l'indice ZEW depuis sa création pour bien comprendre le contexte actuel et la portée d'ensemble de ces publications en prenant un peu de recul, face à des événements nombreux qui s'enchaînent très vite.
Historiquement et succinctement, l'indice Zew a connu 3 grandes phases anticipant et traduisant amplement l'évolution de l'économie :
- tout d'abord, une croissance continue après la récession des années 1991-1993, moins connue que d'autres en général, profondément industrielle, ce qui est encore moins largement connu spécifiquement, mais que l'on découvre ci-dessous avec un sentiment très déprimé à 2 reprises lors du lancement de l'indice qui se révèle aussi important qu'en 2008 lors de la grande récession et de la crise financière. S'en sont suivies, après l'ajustement fort qu'à connu l'Allemagne en plus de sa réunification, une croissance longue par delà l'apparition de l'euro et une accélération de la mondialisation à laquelle le pays à pris largement part jusqu'en 2007.
- Ensuite, l'enchainement de la crise financière et de la crise des dettes souveraines de la zone euro a entraîné la rechute du sentiment des investisseurs, aussitôt suivie d'une seconde période de croissance qui depuis lors place l'Allemagne comme symbole du pays de retour sur la scène mondiale et l'expression même du coeur de la puissance économique européenne.
- Enfin, depuis 2016 (et le ralentissement mondial sous l'effet du ralentissement US avant l'élection de Trump) alors que cette "réussite" allemande est soulignée partout, à défaut "sa résilience", force est de constater que le sentiment des investisseurs est à l'inverse passé sous sa moyenne historique (trait foncé) pour ne jamais y revenir avant ce début d'année. La baisse du commerce mondial et la guerre commerciale USA-Chine étaient la source des préoccupations premières chez les investisseurs au sujet d'une économie très ouverte qui dispose d'un excédent commercial qui n'a "aucun rival" selon le qualificatif même de l'Institut IFO.
En l'état, le score record repose donc :
- sur un rattrapage et une période quasi euphorique liés à l'actualité criante et très spécifiquement au déconfinement qui a délivré, voire débridé, l'économie,
- sur un rattrapage historique général que l'on retrouve habituellement sans surprise aucune sur bon nombre d'indicateurs à la suite des récessions,
- mais cela pointe également l'éventualité d'une orientation sous-jacente positive ou "assez forte" présente avant la crise du covid qui vient se coupler aux 2 éléments ci-dessus.
Globalement, une telle performance ayant de tels fondements va être très dure à maintenir à court terme mais, paradoxalement, elle doit orienter en parallèle le regard vers une nouvelle phase économique mondiale dans laquelle l'Allemagne repart a priori une nouvelle fois du bon pied (ce qui reste à confirmer toutefois) même si le repli de la confiance devait intervenir ces prochains mois
Le sentiment est une chose. Qu'en est-il du climat des affaires qui condense les secteurs du commerce international, de la construction, des services et de l'industrie manufacturière ?
Selon l'horloge du cycle économique ci-dessus, on découvre que l'Allemagne après avoir plongé à très grande vitesse en récession en est ressortie presque aussi vite après une année 2019 en demi-teinte en zone de ralentissement (dowturn), donc sans récession toutefois. Ceci était en phase avec le profil d'une confiance attiédie de l'indice ZEW vu plus haut.
On note que le retour de la croissance se réalise à un niveau néanmoins moindre qu'en 2010 à la suite de la chute de Lehman Brothers et de la crise financière des subprimes. Cela nécessite donc objectivement, sur ces bases comparables, encore un supplément de vigueur pour rejoindre la zone de croissance continue longue, illustrée par les nombreux entrecroisements très resserrés de cet indicateur tout au long des années 2011 à 2017 et plus encore en 2018.
Alors qu'est-ce qui "pèche" encore ? Où ce situent les "manques" et à quelle hauteur ? Le détail ci-dessous (graphique 3) présente les différents secteurs sur lesquels se construit l'indice IFO.
Fort logiquement, apparaît la faiblesse depuis 2018 des anticipations (lignes bleues - trade) liée au commerce mondial souci des investisseurs dont la reprise est certaine mais dont les anticipations restent inférieures au niveau de la situation ou activité actuelle (lignes grises)
Plus vif, le secteur manufacturier qui avait suivi le commerce (trade) dans sa chute, peu après en 2019, connaît actuellement une séquence positive avec le croisement à la hausse des anticipations revenues au-dessus du sous-indice de l'activité actuelle. Il s'agit d'un signe de force.
Rebond sans force sous-jacente du commerce de retour à un simple équilibre, vigueur et bonnes perspectives manufacturières (confirmées par les indices PMI Flash publiés plus tôt dans la semaine) se mêlent à un début d'apathie du secteur des services (confirmé également par les PMI Flash) et à un secteur de la construction plus lent dans son évolution qui vit sur ses acquis.
La cheffe économiste de l'Institut IFO note qu'après la hausse record du PIB au 3ème trimestre qui montre la stabilisation de l'économie allemande, des efforts sont encore à fournir pour maintenir une croissance continue à l'avenir, d'autant que la partie facile du rebond est désormais derrière nous.
Alors les feux sont-ils au vert, à l'orange ou au rouge ?
Comme pour l'indice ZEW, on retrouve des probabilités fortes de croissance (voir dernier graphique ci-dessous) présentes antérieurement à la crise du covid mais qui ne se sont montrées que durant un cours trimestre après de longs mois en 2018 et 2019 durant lesquels les questionnements sur le commerce international ont pesé (le plongeon dû au coronavirus apparaitrait presque comme un simple passage à vide)
De la même manière, les extraordinaires probabilités d'être en présence et d'anticiper une croissance économique Outre-Rhin qui ont frôlé les 100% ces 2 derniers mois sont désormais en très (très) léger repli. Il est très dur de tenir de tels niveaux. A suivre.