Tout savoir (ou presque) sur les stress tests européens
Tant attendus, les résultats sont enfin tombés sur les stress tests concernant 91 banques dans toute l'Union Européenne et non seulement de la zone euro. Des pays comme le Danemark, la Suède ou encore le Royaume-Uni étaient aussi concernés.
Ces stress tests sont menés par les régulateurs nationaux, comme l'ACP, l'Autorité de Contrôle Prudentiel en France, fédérés au sein du Comité Européen des Contrôleurs Bancaires (CEBS)
Des stress tests sont menés habituellement 2 fois par an en France mais ne sont pas divulgués comme dans cette opération d'ensemble.
Quel est le principe ? Le régulateur européen se réfère à un ratio de solvabilité défini dès 1988 par le Comité de Bâle issu des premières règlementations passées par les banquiers centraux à cette date qui vise à assurer la stabilité financière mondiale avec au premier chef la surveillance des banques. Ces règles sont connues sous le nom de Bâle I (puis Bâle II en 2006) et le ratio choisi est un ratio historique issu des pratiques bancaires ancestrales baptisé à cette occasion ratio cooke (rebpatisé depuis McDonough).
Globalement, ce ratio fixe à 8 % le montant minimal des fonds propres des banques par rapport au total des dettes et engagements. C'est en quelque sorte le matelas de sécurité pour faire face aux impondérables et aux risques inhérents au métier de banquier.
Techniquement, il se subdivise en différents différents ratios par grandes masses dénommés Tier 1, Tier 2 et Tier 3, le premier représentant les capitaux propres en incorporant comptablement le capital + les réserves (c'est à dires les bénéfices non distribués qui sont accumulés) + la part du bénéfice du dernier exercice qui y sera affectée.
Le régulateur simule (et non prévoit) suivant un scénario de base ou modéré (baseline scenario) et un scénario dégradé dans lequel les conditions macro-économiques sont durcies (adverse scenario) les réactions des ratios de capital Tier 1 des banques. Si le pourcentage par rapport aux actifs dépasse les 6 %, la banque est réputée avoir réussi le test, sachant que le minimum réglementaire se situe à 4 % et que l'usage en cours veut que tout le monde vise habituellement 7 % au minimum. Tier 1 est en quelque sorte le "noyau dur" des fonds propres des banques.
Le résultat agrégé des 91 banques est repris ci-dessous avec une baisse à 9,6 % dans le cas 'adverse' et à 9,2 % en intégrant un choc supplémentaire en terme de risques souverains.
Source : Stress-test.c-ecb.org
Les banques européennes sont donc réputées dans leur ensemble avoir suivant ces critères 'réussi' leur test. 7 n'ont pas réussi comme Hypo en Allemagne, 5 banques espagnoles et 1 grecque ce qui sur le fond n'apporte strictement aucune information particulière, la banque allemande étant dans la tourmente depuis 2007 (avec des recapitalisations récurrentes depuis) et la question de la restructuration du secteur bancaire espagnol étant un des gros chantiers les plus connus du pays. Leur nombre est par ailleurs le reflet d'un éclatement du secteur bancaire espagnol qui n'est pas forcément synonyme d'affliction pour l'Espagne par rapport à ses voisins.
Chaque pays avaient des scénarios qui se fondaient sur des données distinctes issues des tendances en cours et de la structure de leurs économies. Si les banques françaises devaient ainsi résister à 'un scénario du pire' avec une baisse de 5 % des prix immobiliers cette année et l'an prochain, les banques espagnoles ont été placées en la matière face à de violentes bourrasques de - 35 % en 2010 et - 30 % en 2011 à titre d'exemple. Ci-dessous sont repris les données détaillées des scénarii français et de l'Euroland.
Concrètement, le seul et réel élément de stress assez intense se situe sur les taux dans le cas français et de manière limitée aux taux à long terme puisque les taux repris dans le tableau placeraient en 2011 le marché obligataire français en zone sensible → Comment le marché voit la dette de la France ?
Ci-dessous, sont repris les résultats synthétisés pour les banques françaises dans le pire scénario défini plus haut intégrant un choc sur les risques souverains.
Détail par banques (France : pages 10 à 13)
2/3 des actifs du secteur ont été couverts dans ces tests sur le plan européen (certains pays évaluaient la moitié ou la quasi totalité de leur secteur suivant les cas) Le taux est de 80 % dans le cas français. On regrettera toutefois l'absence du groupe Crédit Mutuel-CIC qui avait bénéficié d'une aide de l'Etat de 1,2 milliard € sur les 10,5 distribués à l'automne 2008 dans la tourmente et remboursés un an après en ce qui le concerne.
Les limites ? On ne peut reprocher l'aspect commun de l'exercice qui se fonde sur un ratio intangible de la profession et qui donne enfin une vision d'ensemble publique du secteur après la crise européenne de ce printemps.
L'exercice des stress tests ou tests de résistance ne rend cependant pas compte de la totalité de la réalité du secteur bancaire européen. L'utilisation d'un seul ratio est partielle, là où une petite batterie d'indicateurs classiques serait la bienvenue particulièrement après l'histoire récente de la profession depuis 2 à 3 ans.
Certes, on tient compte du problème des risques souverains très récents dans ses manifestations en Europe (voir le document sur l'exposition au risque souverain des banques françaises) mais moins de 2 ans après la faillite de nombreuses banques américaines pour des problèmes de liquidités, d'accès au marché et de déséquilibre notoire de leurs bilans, le ratio de liquidité, c'est à dire le rapport entre les crédits et les dépôts reste ici absent pour ne prendre que cet exemple.
Un exemple qui peut être pourtant décisif, crucial voire même vital car une simple incapacité à se refinancer sur le marché interbancaire en l'absence de dépôts larges et stables peut tuer une banque avec un bon ratio Tier 1 et partant, geler tout le marché comme on l'a vu.
La définition même d'un ou de plusieurs ratios de liquidité est d'ailleurs toujours en débat au Comité de Bâle ...
Dans le cadre des règles Bâle III qui doivent être arrêtées à l'automne et présentées au G20 de novembre pour mise en place fin 2012, parmi les propositions -et grande nouveauté- figurent en effet une obligation de couverture des besoins des banques à 30 jours et un ratio de liquidité de long terme que les fédérations bancaires tentent d'alléger jusqu'ici.
Ces stress tests ne tiennent pas compte de Bâle III. Autrement dit, ils ne tiennent tout simplement pas compte de l'une des -sinon peut être de 'la'- grande(s) leçon(s) de la crise. Le marché a de son côté déjà intégré certaines règles à venir au cas par cas et ne manquera pas de prendre rendez vous pour faire le tri le moment venu en la matière.