Aux portes de la zone vitale du système financier US
Copyright © Apprendrelabourse.org - Commé évoqué hier dans USA : les saisies immobilières crèvent le plafond, Lehman Brothers n'a pu trouver de repreneurs durant le week-end. Les prétendants se sont désistés notamment car les autorités publiques et le Trésor US particulièrement ne souhaitent pas se porter systématiquement au secours des institutions financières naufragées dans cette gigantesque tempête financière liée au crédit.
Comme le montre le graphe ci-dessous, la 4 ème banque d'affaires américaine sombre sur la nouvelle et met fin à 158 ans d'indépendance alors qu'elle avait résisté à la crise de 1929 et à la Grande Dépression qui s'en était suivie. La holding, LBH Inc., a donc rempli le 'Chapter 11' qui correspond grosso modo en droit français au règlement judiciaire pour les sociétés (communiqué officiel)
D'autres éléments sont à prendre en considération pour cerner l'ensemble du 'dispositif' déployé :
- Merrill Lynch est en fait la banque d'affaires qui a été sauvée ou 'consolidée préventivement' suivant les diverses interprétations ce week-end avec son rachat par Bank of America, laquelle avait déjà volé au secours de Countrywide Financial il y a quelques mois.
- La Fed via un communiqué augmente les montants alloués aux banques en terme de liquidités, relayée en cela également par la BCE, et ouvre de nouvelles facilités en terme de mobilisation de ces nouvelles créances. Il s'agit en fait de permettre aux banques de donner en échange de ces facilités de crédit un très grand nombre de titres alors qu'ils étaient limités jusqu'ici à des obligations d'état, des obligations des GSE (Fannie Mae et Freddie Mac) et aux supports titrisés notés AAA relatifs à l'immobilier. Même les actions des banques peuvent désormais être apportées en échange. La règle est de fournir des créances qui ont rang de valeurs dites d'investissement', celles plus dégradées notées 'spéculatives' en sont exclues (cf. pour le détail le 3 ème tableau de L'évolution du risque crédit : une longue dégradation qui ne date pas d'hier - soit les notes en 'investment grade ratings')
- 10 grandes banques (6 US, 2 suisses, 1 allemande et 1 anglaise) apportent 70 milliards de $ en tout dans un fonds 'anti-faillite' qui permettra à l'une ou l'autre des participante en cas de difficultés de refinancement de mobiliser pour ses besoins jusqu'à 1/3 de la somme totale. D'autres banques sont appelées à rejoindre celui-ci.
Pour mémoire, c'est précisèment ce que le Trésor souhaitait réaliser avec son Super-fonds (ou super-SIV) fin 2007 mais qui n'avait rencontré aucune concrétisation, les banques se repliant sur elles-mêmes jusqu'ici.
Ceci vise avant tout dans un premier temps à encaisser le choc des dérivés de crédit de Lehman Brothers dont les notations de crédit viennent de tomber de plusieurs crans. Cela marque un tournant dans le traitement de la crise, les banques ayant à se défaire par elles-mêmes avec la Fed du problème Lehman.
C'est aussi un nouvel aveu de l'interconnexion très importante et de la grande profondeur de la crise :
Dans le système financier selon le découpage présenté ci-dessus par le Conseil des gouverneurs de la Fed et le FMI figure le 'coeur' (core) ou noyau dur et la périphérie. Dans cette périphérie sont logés les véhicules de placements titrisés, les fonds mutuels, les fonds de pensions, les assureurs et autres courtiers 'brokers-dealers'. Au coeur se situent les 5 grandes banques 'big five' CSEs (Bear stearns, goldman Sachs, Merrill Lynch, morgan Stanley et Lehman) et les 2 GSE soit Fannie Mae et Freddie Mac et surtout au centre même les dépôts des épargnants assurés par le FDIC, qui en est le noyau dur. Celui de la confiance générale. Plus on s'éloigne du coeur, moins les éléments sont régulés par les autorités (voir également le graphe page 15 dans le lien du FMI ci-dessus)
Face au "bain de sang" attendu dans la nuit par certains, les marchés actions européens n'ont enregistré en fait qu'un très gros "coup de torchon" selon une autre expression consacrée dans les milieux boursiers. Ce sont les valeurs bancaires qui payent bien sûr le plus lourd tribut avec une chute de - 3,78 % à 4 168,97 points dans des volumes en forte hausse à 8,7 milliards €. Franfort ne perd 'que' - 2,74 % alors que Londres et Madrid lâchent 4 % environ.
Le marché 'évalue' ainsi derrière ces grands titres de faillites l'opération de préservation du coeur financier fait en son centre de banques de détail et un marché de banques d'affaires qui est à la limite des zones 'core' et 'périphérique' et dont l'activité a contribué à faire grossir énormément les crédits et l'ensemble du périmètre. Le discours du Trésor est ici via sa manoeuvre de montrer qu'il va se concentrer sur le noyau dur central et que la 'charnière' entre coeur et périphérie est renvoyée aux banques et au marché qui doivent se 'dépétrer' au mieux avec tout ce qu'ils ont initié comme 'mauvais' crédits hors 'régulation'. Après l'intervention le week-end précédent sur les 2 big GSE, il montre là où est la frontière pour les semaines à venir et ce qu'il souhaite avant tout protéger, en conformité avec l'organisation du système à la base comme vous pouvez le constater. 4 des 5 big CSEs ont été sauvées (2 sont toujours autonomes, Bear Stearns par Jp Morgan et Merrill par BoA) la 5 ème est pour le marché.
On a vu également pendant le week-end les 'gagnants' et les 'perdants' (du moment s'entend), les premières étant largement parmi également les banques traditionnelles comme Bank of America ou Barclays un moment repreneur déclaré de Lehman encore dimanche dans la journée. Les perdants ayant pour nom Lehman, Merrill ou AIG, évoluant plus à la périphérie ou interconnectées plus directement avec elle.
S'en suivent plusieurs implications que les marchés vont évaluer dans leurs oscillations:
- la capacité de cette nouvelle union bancaire 'anti-faillite' à faire face aux dérivés de crédit pour préserver le coeur financier.
- le Trésor US gagne ici du temps et des moyens financier pour préserver à terme les dépôts. Le fond 'anti-faillite' est un bouclier avant son intervention éventuelle supposée, car 'supposée' était aussi son intervention pour sauver Lehman qui n'a finalement pas eu lieu... aveu d'impuissance, maîtrise du timing ou porte ouverte aux pires drames à venir ? Qu'importe le qualificatif qui accompagne sa démarche ce soir car le problème de fond synthétisé ici reste entier et forme le noeud des développements du week-end et des semaines à venir. C'est le but de la stratégie invariable, protéger le coeur. Le reste n'est que tactique employée qui fonctionnera ou pas...
* Suivent d'autres questions de fond présentes depuis longtemps et qui s'aggravent d'heures en heures voire plus : Est-ce que les autres dossiers en souffrance comme Washington Mutual ne vont pas à l'avenir venir éroder le coeur également puisqu'elle y réside ? ou à la périphérie avec de très grosses institutions comme AIG, le premier assureur mondial, pour qui le gouvernement américain vient de demander, aujourd'hui, à Goldman Sachs et à Jp Morgan de monter un groupement pour lui accorder entre 50 et 100 milliards $ de crédit.
* Enfin à plus long terme, comme vu hier, la qualité du bilan des banques repose sur les garanties inscrites dans leurs livres comptables via les hypothèques, entre autres. La continuation d'un marché immobilier avec des prix en baisse est un élément qui est en grande partie hors de contrôle de toute autorité quelle qu'elle soit.
Le Dow Jones avec un score de - 4,42 % réalise une rupture de son support vu jeudi avec une clôture à 10 917,51 points, le nom AIG ayant remplacé celui de Lehman et Merrill dans la soirée.