Bourse et poker, même combat ? (suite)

Publié le par Michel Delobel

 

FSC.pngNous avons vu il y a quelques jours de cela qu’une comparaison entre la bourse et le poker n’était pas dénuée d’intérêt. Des points communs qui nous ont permis d’analyser et comparer le comportement psychologique des joueurs de poker et des investisseurs boursiers.

 

Des qualités communes

 

Car au poker comme en bourse (au moins pour les investisseurs court terme), la psychologie est l’un des éléments clés qui vont vous faire basculer du côté des gagnants ou des perdants. Rien ne sert d’avoir un bon jeu si vous ne savez pas en tirer parti. Et ce n’est pas parce que vous n’avez « pas de jeu » que vous êtes forcés de perdre. C’est la même chose en bourse : ce n’est pas le tout de trouver les bons titres, encore faut-il savoir gérer psychologiquement ses positions, ne pas être trop timoré ou trop gourmand. Et lorsqu’une position est mal engagée, là aussi, une bonne gestion psychologique fera toute la différence.

 

De façon plus large, ce sont globalement les mêmes qualités qui sont demandées au joueur de poker et au trader. Le premier adversaire est en général soi-même, et une certaine dose d’humilité et de résistance au stress sont nécessaires.

Il est également important d’être discipliné et bon gestionnaire : le joueur de poker gérera son tapis comme le trader gérera son capital, grâce à un bon « money management », et tout écart, toute tentation de faire tapis un peu à la légère risquera de se payer cash.

Enfin, l’expérience et une bonne capacité d’analyse permettra au jouer comme à l’investisseur d’apprendre du passé, et de tirer parti au mieux de configurations qui se répètent. En bourse comme au poker, il faut en général du temps, non pas pour apprendre les règles et approches théoriques qui sont en fait relativement simples, mais se forger une expérience et savoir mettre en application une théorie qui est en fait souvent à prendre avec du recul.

 

Des similitudes au niveau de l’environnement

 

boersenring_big.jpgMais les similitudes entre poker et bourse vont au delà du fonctionnement même et des qualités requises. L’environnement est également semblable à plusieurs niveaux.

Si les échanges à la corbeille n’ont plus lieu d’être, la bourse reste un lieu particulier, en terme d’image comme d’ambiance, à l’image de ce que l’on peut voir encore chaque jour sur le parquet de Wall Street, avec toujours le rituel de la cloche à l’ouverture et la fermeture des marchés. C’est un peu la même chose au poker, avec l’ambiance des salles de jeu, l’excitation qui règne autour des tables, où les jetons s’entassent et changent de mains.

Et si dans les deux cas, nous sommes de plus en plus passés à l’internet, les deux mondes continuent d’évoluer en parallèle et de concert.

Un passage à l’internet qui a permis dans un cas comme dans l’autre une certaine démocratisation et une facilité d’accès, mais également une grande rapidité d’action et une grande souplesse.

Comme en « cash game », où le joueur de poker peut décider de rentrer ou sortir d’une table, ou de changer de table comme bon lui semble, en fonction d’un environnement plus ou moins propice, l’investisseur boursier a également la possibilité de rentrer et sortir du marché très rapidement, ou simplement changer de marché en fonction du contexte.

De nombreux points communs donc, qui ne doivent toutefois pas nous faire oublier qu’il existe un certain nombre de différences. Si je ne vais pas toutes les énumérer (ce n’est pas le but de l’article), il me semble intéressant, en guise de transition, d’évoquer l’approche que l’on peut avoir des marchés et du poker, à la fois terrain de jeu et source de revenus pour les acteurs professionnels.

Si à la base, la bourse est surtout aux mains des professionnels, et considérée comme un lieu d’investissement utile au fonctionnement de notre économie de marché, de plus en plus de personnes la considèrent aussi comme un terrain de jeu et comme un loisir.

 

A l’inverse, le poker est à la base avant tout un jeu. Mais de plus en plus, on voit surgir une catégorie de professionnels, qui en ont fait une vraie source de revenus. On se rapproche toutefois là plus du monde du sport, avec un système de sponsoring et tournois qui n’a plus grand chose à voir avec la bourse.

 

Quelques différences notables

 

La première différence est la notion « d’adversaires ».

 

Si on a vu plus haut que dans les deux cas, le premier adversaire est avant tout soi-même, on a quand même au poker des adversaires bien identifiés, qui sont les autres joueurs assis à votre table ou faisant parti du tournoi. Ce sont à eux que vous vous mesurez, et à qui vous devez prendre des jetons.

En bourse, si certains aiment bien considérer qu’ils se battent contre les zinzins (les investisseurs institutionnels), ou contre « Le Marché », il n’y a pas vraiment de notion d’adversaire. On entend souvent que la bourse est un jeu « à somme nulle » (ce que l’un gagne, l’autre le perd), comme c’est le cas au poker justement. Mais dans un marché haussier, sachant que la très grande majorité des investisseurs restent haussiers malgré la possibilité de spéculer à la baisse, il y a aura mécaniquement plus de gagnants que de perdants. Il est même théoriquement possible d’envisager que tout le monde y trouve son compte. A l’inverse, dans un marché baissier, les investisseurs se retrouvent majoritairement perdants.

Ce n’est évidemment pas le cas au poker, qui se rapproche pour le coup plus d’un jeu à somme nulle, avec vos gains qui se feront forcément au détriment des autres joueurs.

 

L’autre différence notable sur laquelle je voudrais m’arrêter, et qui découle un peu de la précédente, est le fameux bluff, qui est l’essence même du poker.

 

C’est une des caractéristiques principales de ce jeu, sans laquelle le poker en serait réduit à un simple jeu de hasard. Grâce au bluff, et sans présager de votre jeu, vous pouvez toujours espérer intimider vos adversaires et les amener à se coucher.

En bourse, du fait que vos adversaires sont invisibles (et par ailleurs bien trop nombreux si tant est qu’on considère les autres investisseurs comme des adversaires), vous ne pouvez espérer qu’ils se couchent pour vous permettre de sortir gagnant. C’est un peu pour cela qu’on entend souvent les investisseurs dirent que « le marché a toujours raison ». Vous aurez beau lui montrer que vous êtes fort, et haussier sur telle ou telle valeur, vous n’aurez que peu de chances de lui faire changer de sens (pour autant que l’on considère que vous agissez avec des moyens limités et dans les respects de la législation – on pourrait toujours imaginer bluffer le marché avec des rumeurs ou des sommes considérables pour le pousser dans un sens ou dans l’autre).

Pourquoi tant d’investisseurs s’entêtent-ils alors à vouloir aller contre le marché, et insistent sur des positions qui leur sont défavorables ? Cela revient quelque part à espérer un miracle à la « river », alors qu’on a bluffé toute la partie et qu’il n’y a qu’un ou deux « out » pour s’en sortir.

 

Le mot de la fin

 

Ces deux différences majeures entre bourse et poker ne sont bien entendu pas les seules, mais il ne m’était pas possible de toutes les citer et celles-ci me semblaient à la fois représentatives et intéressantes à analyser.

Pour autant, nous avons vu au cours de cet article qu’il existe quand même bon nombre de points communs, le but étant surtout de vous faire comprendre ce que vous pouvez y gagner à considérer l’investissement en bourse et notamment le trading sous un angle nouveau.

Ne dit-on d’ailleurs pas le plus souvent « jouer en bourse » ? Alors ne cherchez pas trop à vouloir « maîtriser » le marché, et acceptez cette part inévitable de hasard. Vous ne vous en (com)porterez que mieux.

Publié dans INVESTIR EN BOURSE

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