Finance - Une seconde crise de l'euro est elle en marche ?
Le marché a dans le dos l'annonce de la Fed. Le temps de la digestion de cette nouvelle est également en partie terminée. La saison des publications des résultats du 3ème trimestre pour les sociétés cotées s'achève d'autre part.
Dans ce contexte, comme le marché consolide un peu agrémenté d'un repli de l'euro, la question de la crise des finances publiques, grand thème de ce printemps, ressurgit d'autant que les taux d'intérêts progressent fortement en Grèce, en Irlande et au Portugal. Les banques européennes en fort repli aujourd'hui ramènent donc assez logiquement le sujet sur le devant de la scène.
→ Qu'en est-il réellement ? Où se situe le risque principal pour l'euro et les indices actions ?
En se référant au spreadomètre de la zone euro ci-dessous, une nouvelle phase de stress est effectivement présente. Néanmoins, concernant le Portugal et l'Irlande, cette tendance est en place depuis près de 6 mois. Même si de nouveaux records sont atteints, il n'y a rien là de fondamentalement nouveau. Le marché obligataire continue à appuyer là où ça fait mal pour signaler les principaux points noirs largement connus et ceci n'a pas perturbé la marche en avant des actions, ni de l'euro jusqu'ici.
Comme toujours il y a une différence entre l'évaluation d'un risque et l'apparition de ses conséquences, c'est à dire le timing. Le 21 novembre 2009 les nouvelles divergences sur les taux en zone euro avait amené très tôt la conclusion suivante en forme d'alerte : "la situation de la Grèce qui peut apparaître anecdotique au premier abord car constituant une faible fraction de l'espace économique européen n'en est pas moins représentative, en accéléré, d'un mouvement général assez peu enthousiasmant à un échelon qui dépasse le cadre européen." On connaît la suite via la baisse du marché action et de l'euro.
Actuellement, il convient de ne pas faire d'amalgame parmi les PIIGS (Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne) pour bien saisir l'importance et la nature des risques de contagion. La première phase s'était alimentée de flambées sur les taux grecs faisant basculer la bourse d'Athènes (en noir ci-dessous) emportant à sa suite l'ensemble des marchés actions et l'euro. A ce jour, pourtant parmi les plus citées au motif que leurs taux sont les plus élevés dans la zone, la bourse grecque est stable et la bourse de Dublin est toujours sur une tendance haussière, tout comme la bourse de Lisbonne (cercles en bleu)
L'Irlande est d'ailleurs prise dans un mouvement qui lui est propre indépendant de la crise de ce printemps et qui remonte au 1er octobre 2008 date à laquelle L'Etat irlandais avait couvert de sa garantie la totalité du secteur financier du pays (pour mémoire : Edition Spéciale : le plan irlandais ''à la suédoise'' fera-t'il des émules ? ) et qui s'est soldé ensuite par l'adoption de mesures similaires à travers le monde (en référence au 'cas suédois' du début des années 90 qui est 'le' cas type de réussite de sortie d'une crise bancaire dans les annales historiques et dont plusieurs éléments sont repris dans l'article mis en lien)
En avril 2010, la bourse de Dublin n'avait d'ailleurs fait que suivre le mouvement général avec retard (en vert ci-dessus), pour une économie irlandaise complètement envasée dans la déflation et déjà en proie avec 3 plans d'austérité depuis 2 ans qui n'ont pas attendu la crise de l'euro de ce printemps pour être initiés mais sont liés à la garantie étatique d'une partie du secteur bancaire, laquelle a joué comme parapluie implicite durant 2 ans et dont la reprise explicite de cet engagement antérieur vient de se dénouer via une explosion du déficit budgétaire à 32 % du PIB faisant passer de 65 à 100 % l'endettement total du pays, le plan de sauvegarde du secteur bancaire comptant pour 20 %. L'Irlande avait mis en place un plan 'à la suédoise' en tout premier car elle était la plus durement touchée sur cet aspect dès le départ (Idem pour le Danemark via une loi votée en urgence)
En d'autres termes, la crise des risques souverains de l'Europe d'avril 2010 est liée aux défis des déficits historiques et endettements publics chroniques alors que la crise irlandaise est plus liée à la problématique, dont elle est l'un des symboles, de la reprise des engagements privés, particulièrement bancaires, par la sphère publique et qui est une difficulté d'appréciation majeure pour les agences de notations et les marchés depuis le tout début de la crise en 2008 particulièrement pour des pays comme l'Irlande peu endettés au départ mais dont l'endettement privé est colossal. Pour mémoire la difficulté d'appréciation est liée à l'inconnu sur le montant que l'état devra prendre en charge et le moment (Même l'Allemagne est concernée avec des engagements indirects sur Hypo Real Estate qui augmentent de 200 à 300 milliards € indirectement suivant les évaluations ses engagements publics totaux) En savoir plus : risques souverains : la grance inconnue du chiffrage des renflouements.
L'évolution assez 'autonome' de l'Irlande se retrouve d'ailleurs en comparant son marché action en bleu à l'évolution de l'euro en rouge ci-dessous, dont on voit une nouvelle fois l'absence de corrélation actuelle tout comme pour la bourse d'Athènes.
→ Les niveaux les plus élevés dans l'absolu des taux d'intérêts grecs et irlandais n'ont donc plus ou peu d'effets et de significations directs sur le reste des indices actions européens ni de l'euro, même s'ils restent à surveiller bien sûr.
Le souci principal réside comme maintes fois évoqué vis à vis de la bourse de Madrid. La corrélation avec l'euro est ici nettement plus significative. Ici transparaît une peur un peu étouffée que la taille du plan de sauvetage optionnel de l'UE-FMI mis en place pour sauver un pays ne puisse être suffisant pour la 4ème économie eurolandaise et le Portugal à sa suite. La bourse de Madrid reste l'un des principaux baromètres de l'aversion au risque en Europe.